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l’homme et la terre. — éducation

avec son propre moi, en un examen continu de la pensée par la pensée, sous l’évocation d’un Socrate ou d’un autre chercheur de vérité. Alors qu’il s’agissait avant tout de « se connaître soi-même », cet examen incessant était nécessaire à l’homme qui étudie ; combien plus maintenant devient-il indispensable, puisqu’il s’agit de connaître la nature », dont chaque individu n’est qu’une simple cellule ? Ainsi le jeune homme qui vit son enseignement doit s’interroger et se répondre sans cesse, en toute probité et sincérité. Comparées à cet examen personnel, les formalités usuelles de réception dans le monde des qualifiés sont bien peu de chose : l’étudiant pourra les subir d’une conscience tranquille en les méprisant quelque peu ; hautement supérieur, il lui suffira de donner mentalement aux questions presque toujours incohérentes de l’examen l’unité qui leur fait nécessairement défaut. La dignité de l’étude est à ce prix.

Mais si l’étudiant, tout plein de mots entassés dans sa mémoire, n’a d’autre mérite, au jour final, que de fournir réponse à question, comme un écho plus ou moins fidèle ; s’il craint d’être soi-même, de prononcer ce que les professeurs momifiés qualifieraient d’hérésies ou de « paradoxes », c’est-à-dire, suivant l’étymologie même, d’ « opinions en dehors de l’enseignement », on pourra se demander quelle a été la raison vraie des longues années d’école et l’on se dira, presqu’avec certitude, que cette raison fut l’ambition des places et de l’argent. Le candidat n’est qu’un « carriériste », un apprenti industriel cherchant à se remémorer des formules lucratives pour en fabriquer de l’or. Triste et honteuse « pierre philosophale » !

Actuellement, la possession de l’or étant devenue, par le fonctionnement même de la société, l’objectif presque fatal de la jeunesse, il est difficile de s’imaginer combien beaux pourraient être les lieux d’étude, où l’amour de la connaissance et la science de la vie seraient les seules ambitions, puisque le bien-être aurait été assuré d’avance. Il est certain, en premier lieu, que les groupes d’étudiants deviendront de plus en plus mobiles et que, par conséquent, ils seront de moins en moins attachés au siège universitaire qui, par ses laboratoires, ses collections et sa bibliothèque, constitue le centre nécessaire de leurs recherches. De même que certaines écoles d’enfants, encore bien rares, se déplacent pendant la belle saison, allant à la découverte de sites curieux ou de villes intéressantes, de même quelques groupes d’étudiants, des centaines parfois, se réunissent pour de véritables voyages d’études, dans les régions