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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/494

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l’homme et la terre. — éducation

mais donnez ou vendez-les à des étrangers ». Elle sait désormais que l’humanité est solidaire et que les maladies se propagent par contagion d’un individu à l’autre individu, de ville en ville et de peuple à peuple. Elle sait qu’il importe de traiter chaque cité, même le monde entier comme un véritable organisme et que la santé des Japonais, des Africains, des Eskimaux, même celle des poules, des rats, des vaches importe à celle de tous les hommes. Les hygiénistes d’Europe, représentés par des commissions de médecins et autres savants, sont intervenus à Djeddah et à La Mecque pour empêcher la naissance ou du moins le développement du choléra parmi les hadji qui se pressent autour de la pierre sainte ; de même ils sont intervenus dans les Indes pour étudier sur place les foyers de la peste, chercher les moyens de guérison, circonscrire les limites d’extension du fléau ; demain ils interviendront en Perse et en Chaldée pour régler le transport des cadavres vers les lieux sacrés de Kerbela et de Nedjef, qui laisse sur les routes des caravanes une odeur de charnier. Il n’est guère de ville maintenant où l’on ne s’occupe de la santé publique par l’établissement des égouts, par l’adduction des eaux pures, le nettoyage des rues, l’incinération ou le traitement chimique des ordures. On s’applique à faire mieux, soit en s’occupant des enfants mal nourris, soit en s’attaquant aux groupes de maisons malsaines, soit de mille autres manières ; mais tout cela ne va pas sans provoquer des plaintes de la part des « plus imposés » et des propriétaires. N’importe ! en cette matière, l’élan est donné ; il est devenu clair que, dans une communauté, la santé du plus riche est liée à celle du plus pauvre ; la science a activé l’évolution des sentiments : le plus aristocrate des hommes doit se montrer intelligemment solidaire ou craindre perpétuellement la contagion.

Grâce à des méthodes scientifiques, on a refoulé ou même supprimé en divers pays les terribles fléaux, variole, diphtérie, typhus et tant d’autres morts noires, qui jadis ravageaient périodiquement le monde. Dès qu’une de ces maladies fait son apparition, on trouve immédiatement les origines du mal, dans les casernes, les prisons, les hôpitaux ou les couvents, et l’on a recours au remède souverain de l’asepsie et de la propreté. Cela vaut mieux que les processions, les pèlerinages et les flagellations mutuelles que l’on s’imaginait autrefois devoir mettre en fuite les esprits empoisonneurs. Le feu, excellent moyen de désinfection, était employé, non à détruire les cadavres et les