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l’homme et la terre. — éducation

l’art vient avant la science. L’enfant est ravi de tenir dans sa main un objet lumineux, de couleur éclatante, aux tintements argentins ; il jouit délicieusement de la musique des nuances et des sons, et seulement plus tard il cherche à connaître le comment et le pourquoi de son hochet : il le regarde et le manipule
Cl. P. Sellier.
sculpture préhistorique
buste de femme en dent de cheval

Mas-d’Azil. — Grandeur double
longuement avant de le démonter pour s’en rendre compte. De même, ses parents contemplent avec une sorte d’adoration, avec transport l’enfant qui leur est né, et c’est en deuxième lieu seulement que leur viendra l’idée de faire l’éducation de l’être merveilleux qu’ils admirent[1]. Ainsi l’on passe de l’art à la science, puis, quand on a compris les choses qui nous entourent, quand la science a tout expliqué, nous revenons à l’art pour admirer encore, et faire, si possible, pénétrer la joie dans notre vie.

Mais n’est pas artiste qui veut, et celui qui prétend le devenir par l’étude servile des maîtres, par la mensuration et la reproduction précise des lignes tracées avant lui, par l’observation rigoureuse des règles posées antérieurement ne sera jamais qu’un lamentable copiste, un générateur de décadence et de mort. La première règle de l’art, ainsi que de toute vertu, est d’être sincère, spontané, personnel (Ruskin) ; mais, si mauvaise a été notre éducation que, par un sentiment de basse moutonnerie, les foules — et que d’hommes instruits et diserts appartiennent encore à la simple multitude ! — se sentent entraînées à considérer comme étant au nombre des choses belles

  1. Patrick Geddes, Summer Meeting at Edinburgh, 4 août 1896.