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l’homme et la terre. — éducation

intense[1]. Encore un exemple de ce fait, que les progrès de la civilisation ne sont pas nécessairement des progrès et qu’il importe de les soumettre au contrôle de la science.

Prenons des exemples parmi les peuples : tous les voyageurs s’accordent à dire que les Polynésiens étaient les plus beaux hommes avant que les missionnaires, zélés distributeurs de lainages et de cotonnades, eussent sévi dans les parages océaniques ; on sait également que nulle part les artistes n’eurent plus noble compréhension de la beauté que dans la merveilleuse Hellade, où les jeunes et les forts luttaient, couraient, jouaient au grand air, les membres nus, devant le peuple assemblé. On n’ignore pas non plus que les hygiénistes actuels, désireux de restituer la beauté et la santé humaines mises en danger par le manque de méthode dans la nourriture et le vêtement, se mettent à déshabiller leurs patients pour les accoutumer à l’air et à la lumière. Dans toute l’Europe occidentale et jusque dans la septentrionale Écosse, des établissements se sont ouverts, où des invalides riches viennent exposer leur peau nue à l’action vivifiante du vent et du soleil.

Sans doute que les contrées froides, telle la Scandinavie, et même les pays tempérés, comme presque toutes les régions populeuses de l’Europe, ont un climat d’hiver très âpre en comparaison de ceux dont jouissent les Océaniens, mais les abris et les draperies, qui sont tout autre chose que les vêtements, permettent aussi de se garantir du froid. Jusqu’à une époque récente, les Japonais, que les mœurs du cant anglais n’avaient pas encore contaminés, ne se sentaient nullement obligés par les convenances de cacher leur nudité et se baignaient en commun : c’est à la vue du libre jeu des muscles et des membres que les artistes du Nippon durent certainement leur franchise de mouvement dans l’usage du pinceau. Ce sont les peintres et les statuaires qui ont sauvé la civilisation de notre vieille Europe en gardant le culte de la forme humaine malgré les malédictions de l’Eglise contre la chair. Ils ont, du reste, conquis de haute lutte le droit de représenter l’homme sans les voiles auxquels la loi nous astreint.

L’équilibre de la santé, le fonctionnement normal du corps ne peuvent se rétablir complètement, les maladies provenant des alterna-

  1. Kronecker et Marti, Archives italiennes de biologie, t. xxvii, p. 333.