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l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

langue européenne quelconque, choisie par l’autorité. Pour le blanc, c’est donc l’arbitraire qui décide de son débarquement ou de son renvoi ; quant au jaune, l’interdiction est absolue. Les étrangers, domiciliés sous l’ancien régime de tolérance, sont mal vus et souvent découragés ; enfin, fidèle à cette idée, foncièrement erronée, que moins d’habitants on est, plus il est facile de gagner sa vie, le blanc du nouveau monde austral commence à adopter les mœurs de prudence néo-malthusienne. Néanmoins le peuplement ne peut manquer de se faire de proche en proche partout où de nouveaux appels sont faits au travail de l’homme, où le réseau des voies ferrées, pénétrant au loin dans l’intérieur, facilite la naissance des villes. Déjà, l’union de tous les États en une seule république nécessite la construction de deux voies transcontinentales, l’une réunissant les mille ramifications de l’Est aux lignes beaucoup moins nombreuses de l’Australie de l’Ouest (Westralia), qui borde l’océan Indien, l’autre traversant le continent, du sud au nord, d’Adélaïde à Palmerston[1]. Ne fût-ce que pour occuper les stations et les postes télégraphiques de ces voies ferrées, il est nécessaire que la population s’accroisse ; mais, si aride que soit la plus grande partie du sol australien, les terres cultivables suffiraient pour nourrir encore des millions d’hommes ; on peut vraiment s’étonner que les Australiens mettent tant de zèle à détourner la population qui demanderait à se porter vers leurs rivages, principalement sur les côtes septentrionales, baignées par la mer d’Arafura. La région étant comprise dans la zone tropicale, le climat n’est pas de ceux que les immigrants anglais choisissent, et rarement viennent-ils chercher fortune en un pays où la température moyenne atteint 24 degrés centigrades, soit environ quinze degrés de plus que dans la mère patrie. Mais si les Anglo-Saxons qui se sont approprié le sol en vertu de leur droit de conquête ne sont venus qu’en petit nombre dans ces belles contrées, pourtant fertiles et pourvues de ports excellents, si les lieux d’habitation ne constituent encore que d’humbles villages, d’autres gens en quête de territoires à coloniser seraient fort heureux de s’établir sur ces terres neuves du monde australien. Des Chinois, des Japonais, des Malais ne demandent qu’à s’y présenter en foule, mais les petites colonies britanniques du littoral se sont prononcées à l’unanimité contre tout essai de colonisation dû à ces gens de race prétendue inférieure.

  1. Voir la carte n° 526, page 31.