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l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

indigènes les conflits les plus sanglants et les plus décisifs : aussi les Anglais, afin de rester les maîtres de cette « Belgique de l’Hindoustan », ont-ils établi leurs « cantonnements » militaires les plus puissants le long de la ligne historique : du Satledj à la Djanma, une chaîne de camps et de citadelles borde la voie. La Dehli actuelle, qui succède à d’autres Dehli ruinées occupant une vaste étendue, fut la deuxième capitale de l’Empire des Grands Mongols et, même, elle est encore jusqu’à un certain point la capitale fictive de la péninsule Gangétique, puisque là se dresse le trône où la reine d’Angleterre fut, par procuration, proclamée impératrice des Indes. Enfin, on put voir la vie britannique se concentrer peu à peu sur un contrefort de l’Himalaya, d’où l’on aperçoit au loin la plaine au double versant, grouillante de multitudes humaines. Lorsqu’en 1819, les premières villas anglaises s’élevèrent sur la crête de Simla, on aurait pu attribuer ce fait, insignifiant en apparence, au simple hasard, mais, si le village grandit d’année en année et finit par se transformer en ville, puis, dans l’année 1864, en résidence impériale, c’est que les avantages en avaient été graduellement reconnus. Sans doute, la plupart des Anglais qui se groupaient dans la cité nouvelle n’avaient d’autre raison que de s’assurer une position saine dans une atmosphère fraîche et pure, à 2 000 mètres d’altitude moyenne ; mais les gouvernants avaient compris, peut-être instinctivement, que le promontoire de Simla, commandant, d’une part, le Satledj et, de l’autre, un affluent de la Djamna, surveille précisément le sommet du triangle formé par l’Hindoustan septentrional, et garde, par la haute vallée du Satledj, la seule entrée relativement facile du Tibet ; enfin, nulle ville n’est mieux placée, avec les campements militaires de la base, pour tenir en échec les populations particulièrement belliqueuses des terres inférieures, les Sikh et les Radjpoutes.

De même sur le bord du plateau que limitent les Gath, la ville de Punah a pris, malgré la peste et la famine qui sévissent aux environs, une influence prépondérante comme station estivale, grâce à sa position relativement salubre qui domine les deux versants, dans le voisinage de l’arête péninsulaire. Les autres centres administratifs et militaires occupent aussi des emplacements d’où les troupes se dirigent le plus facilement vers tous les points où pourrait se produire quelque danger. Les maîtres de la contrée n’ont point été gênés dans l’établissement de leur réseau stratégique par l’existence des grands Etats