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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/96

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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

coins du globe : ils ne sont « Anglo-Saxons » que pour avoir pris l’anglais comme langue véhiculaire des relations et de la pensée commune. C’est bien ce parler national, joint aux traditions de quelques-unes des premières tentatives de colonisation, qui rattache en effet les États-Unis à la Grande Bretagne plus étroitement qu’à toute autre patrie de l’Europe.

Par son étendue territoriale aussi bien que par le chiffre de sa population, la république américaine a certainement droit à l’épithète de « grande » qui l’accompagne dans le langage ordinaire. Elle recouvre un espace terrestre d’environ 7 500 000 kilomètres carrés en un seul tenant, du détroit de San Juan de Fuca aux îlots de la Floride : c’est une surface presque égale à celle de tout le continent d’Europe. Mais, à ce domaine déjà si vaste, il faut ajouter les acquisitions récentes faites dans le Nouveau Monde, l’Alaska et l’île de Puerto Rico, ainsi que les archipels des Havaïi, les Philippines, Guam, la plus grande des Mariannes, et quelques petites îles océaniennes. L’ensemble des terres qui font partie de ce vaste groupement politique est à peine inférieur à 10 millions de kilomètres carrés : c’est environ la quatorzième partie du sol émergé. Quant à la population, elle n’a pas encore tout à fait atteint la moyenne qui correspondrait à celle de la terre entière, puisqu’elle n’est que de 80 millions d’habitants environ, soit un peu plus de 10 individus par kilomètre carré[1] ; mais l’accroissement annuel est extrêmement rapide, et, si l’on évalue les hommes au lieu de les compter, il est certain que les Américains sont au premier rang pour l’audace, l’initiative, l’énergie dans le travail. Les produits créés pendant le courant du dernier siècle par la nation à peine adulte des États-Unis dépassent déjà en valeur matérielle les ressources totales accumulées par chacune des grandes nations de l’Europe pendant tous les âges écoulés.

A la puissance de la république nord-américaine s’ajoute son prestige dans les contrées voisines. Ainsi le Canada et les autres provinces qui constituent avec lui l’État du Dominion sont tellement entraînés dans l’aire de gravitation des États-Unis qu’ils en sont, pour ainsi dire, une dépendance morale. Lorsque le cabinet de Washington est en désaccord sur des questions d’intérêt politique avec le gouvernement anglais, il menace ou flatte le Canada comme un père houspillant ses enfants :

  1. La moyenne terrestre est, selon toute probabilité, légèrement supérieure à 11 habitants par kilomètre carré.