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inquisiteurs et des bourreaux. En masse, ils se sont placés derrière les rois, les princes et les riches, et pour les humbles ils ne savent demander que la charité, non la justice, un coin modeste dans le Paradis futur, et non une large et belle place au bon soleil qui nous éclaire aujourd’hui. Quelques enfants perdus du catholicisme ont supplié le pape de se faire socialiste, d’entrer hardiment dans les rangs des niveleurs et des meurt de faim. Oh que nenni ! Il s’en tient aux millions qu’on appelle le « denier de Saint-Pierre » et à cette « botte de paille » qui est le palais du Vatican.

Quel beau jour pour nous, penseurs libres et révolutionnaires, que celui pendant lequel le pape s’est définitivement enferré dans le dogme de son infaillibilité ! Voilà notre bonhomme saisi comme dans une trappe d’acier ! Il ne faut pas se dédire, se renouveler, vivre en un mot ! Il est ligoté dans les vieux dogmes, obligé de s’en tenir au Syllabus, de maudire la société moderne avec toutes ses découvertes et ses progrès. Il n’est plus désormais qu’un prisonnier volontaire enchaîné sur la rive et nous poursuivant de ses imprécations vaines tandis que nous cinglons librement sur les flots. Par un de ses sous-ordres, il proclame la « faillite de la science ! » Quelle joie pour nous ! C’est le triomphe définitif que l’Église ne veuille plus apprendre ni savoir, qu’elle reste à jamais ignorante, absurde, enfermée dans ce que déjà Saint-Paul appelait sa folie !

Mais trop avides, les prêtres et les moines ont manqué de prudence ; chefs de la conspiration, porteurs du mot d’ordre divin, ils ont voulu beaucoup plus que leur part. L’Église, toujours âpre à la rapine, ne manquait pas d’exiger un droit d’entrée de tous ses nouveaux alliés, républicains et autres ; elle exigea des subventions pour toutes ses missions étrangères, elle exigea même la guerre de Chine et le pillage des palais impériaux. C’est ainsi que les richesses du clergé se sont prodigieusement accrues : dans la seule France, les biens ecclésiastiques ont beaucoup plus que doublé dans les vingt dernières années du dix-neuvième siècle ; c’est par milliards que l’on évalue les terres et les maisons qui appartiennent