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l’homme et la terre. — travail

rences entre les hommes ; elle explique aussi pourquoi telle forme inférieure de civilisation peut se maintenir de siècle en siècle, indépendamment des progrès qui modifient plus ou moins rapidement les nations agricoles, nées dans les régions où des conditions favorables ont permis la domestication et l’élève des plantes nourricières. De tout temps, la plage maritime et la rive fluviale, la forêt et la steppe, le désert et l’oasis, le plateau raboteux et la montagne eurent des habitants assouplis à l’industrie qu’imposait le milieu.

Ce qui frappe surtout dans la diversité des moyens employés par l’homme pour la conquête de la nourriture, c’est que les civilisations particulières
arabe agriculteur d’algérie se rendant au marché
corrélatives à ces conditions se rapprochent en l’espace beaucoup plus qu’elles ne se sont succédé dans le temps : on y voit des faits d’ordre géographique plus que des faits historiques. Les Indiens Tineh du Grand Nord américain sont ou chasseurs ou pêcheurs ou agriculteurs suivant les ressources que présentent les contrées, forestières, lacustres ou alluviales[1].

Dans le nord de l’Afrique, les nomades sont cavaliers, chameliers, chevriers ou bouviers suivant les diversités du sol et du climat[2].

Il arrive même qu’en un pays où s’entremêlent deux régions naturelles, le désert et les campagnes plus ou moins arrosées, la population appartient simultanément à deux états : chaque individu, à la fois agriculteur et pâtre, acquiert une sagacité remarquable, une singulière acuité des sens et un rare esprit de prévision en vertu de sa double industrie. L’époque des labours est-elle arrivée, il monte à chameau,

  1. P. Hermann, Bull. de la Soc. belge de Géographie, 1904, n° 5, p. 342.
  2. A. de Préville, Les Sociétés africaines.