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demeures des primitifs

présentent et du travail qu’exige le façonnement. Le type curviligne, héritage du monde animal, est de beaucoup le plus fréquent : il rappelle les huttes de castor, les fourmilières et termitières, les nids d’oiseaux, de poissons, d’insectes, même les toiles d’araignée[1].

À ce type ancien de hutte, pour lequel il suffisait de courber des tiges disposées en cercle, de les attacher par le sommet, en manière de voûte primitive, et parfois de les empâter d’argile pour leur donner plus de consistance, succéda le type rectiligne, pour la réalisation duquel il fallait abattre des troncs d’arbre et les placer longitudinalement les uns sur les autres. Ce mode de construction présente le grand avantage de se prêter à tous les accroissements nécessaires : les « longues maisons » que construisaient les Iroquois et autres Indiens d’Amérique, ainsi que les édifices de même nature bâtis en maintes îles de la mer du Sud pour recevoir les jeunes gens ou les hôtes de la tribu, n’auraient pu guère s’édifier sous une forme différente. Mais là même où l’art du constructeur est assez développé pour donner aux cabanes toutes les formes voulues, l’esprit de conservation et la tradition de race suffisent pour maintenir de siècle en siècle les types héréditaires. L’Afrique est ainsi divisée en deux moitiés, d’ailleurs entremêlant leurs frontières : le groupe de pays aux cabanes rondes et la région des huttes angulaires[2]. D’autres contrées sont vouées soit au : dômes, soit aux pointes[3]. L’architecture des tombeaux obéit aux mêmes lois que celle des maisons : les morts sont censés avoir les habitudes des vivants[4].

Outre ses forêts et ses brousses, la nature offre également ses cavernes aux contemporains pour qu’ils y établissent leur résidence. Pour l’homme, comme pour la bête, la grotte et l’abri évidé par l’érosion des eaux, au pied du rocher surplombant, sont des logis naturels tout indiqués. En certaines contrées, surtout dans les régions calcaires percées de galeries et d’antres ramifiés, toutes les populations étaient troglodytes : on eût pu traverser le pays sur de vastes étendues sans apercevoir un seul individu ; chacun avait disparu dans la profondeur des roches. Par le travail associé, les habitants de ces lieux obscurs les appropriaient à leurs besoins, en

  1. Elie Reclus, Notes manuscrites.
  2. Probenius, Petermann’s Mitteilungen, 1897, page 265.
  3. Besset, Bull. Soc. Géogr., 4 e trim. l904.
  4. Elie Reclus, Notes manuscrites.