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l’homme et la terre. — peuplés attardés

Dans les contrées découvertes, on perchait d’ordinaire les forts sur des rocs de difficile escalade ; quoique nous vivions encore à une époque de combats et d’assauts, et que, dans chaque pays, des milliers et des milliers d’hommes s’enferment en des citadelles, sur des rochers abrupts, l’étonnement n’en fut pas moins général lorsque des voyageurs archéologues découvrirent en Amérique des tribus vivant absolument isolées sur d’énormes blocs de pierre, que limitent des falaises verticales, et qui communiquent avec la plaine seulement par des entailles pratiquées dans la roche. Et pourtant, quelle différence y a-t-il au fond entre ces « rupestres », qui montent à l’escalade de leurs rocs et en descendent avec l’adresse de véritables singes, entre les Zuñi et les Moqui de l’Arizona, les Tunebos de la Colombie et les ingénieurs qui construisent des places de guerre ? A cet égard, le présent se rattache étroitement au passé.

Il en est de même pour les cités lacustres, « palafittes » ou « terramare », que l’on a découvertes en tant de contrées du monde et, notamment, dans notre Europe occidentale. C’est pendant l’hiver de 1853 à 1854, lois d’une baisse extraordinaire des eaux du lac de Zurich, que, sur la rive droite, l’instituteur d’Obermeilen trouva dans le port du village les débris d’un ancien village construit sur pilotis, à une certaine distance de la rive. Depuis cette date, les chercheurs ont constaté en des centaines d’endroits les vestiges d’autres villages lacustres, renfermant par milliers et centaines de milliers des objets travaillés par nos ancêtres pendant les siècles de la préhistoire. Une seule bourgade aquatique, celle de Concise, sur les bords du lac de Neuchâtel, livra aux collections de la Suisse, dès la première année, plus de vingt-cinq mille échantillons de l’industrie passée, et cependant il restait encore à fouiller, au fond du lac, une couche vaseuse de plus d’un mètre d’épaisseur.

Si nombreuses ont été les trouvailles qu’il est facile de reconstruire par la pensée les groupes de ces cabanes lacustres avec leurs bateaux amarrés, leurs échelles pendant au-dessus de l’eau, les ameublements très simples de l’intérieur, les armes, les outils, les amulettes et les bijoux, les paniers et corbeilles, les grains et les fruits qui servaient à la nourriture, les animaux qui vivaient avec l’homme et ceux dont les lacustres mangeaient la chair. D’ailleurs, pour refaire ces cabanes, il