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commerce et francs voyageurs

devait se conformer, mais aussi par des objets de commerce découverts aux anciennes étapes et aux lieux de marché. De même que, dans l’Amérique du Nord, les « chasseurs de fourrures » et autres voyageurs pratiquent, en maints endroits, des « caches » renfermant des armes et des approvisionnements, de même les caravaniers préhistoriques d’Europe et d’Asie laissaient, de distance en distance, le long des routes, des amas souterrains que l’on retrouve maintenant. Grâce à ces découvertes, on peut dresser une carte sommaire de l’Europe indiquant les voies que les peuples antérieurs à l’histoire avaient déjà frayées d’une extrémité du continent à l’autre :
D’après une photographie.
zingari italiens se rendant en espagne
tels le chemin du Caucase à la mer Baltique, celui des Palus Méotides à la vallée du Danube, la route de l’Adriatique au pays de l’ambre par la trouée entre Alpes et Carpates, la traversée des Gaules par les deux vallées de la Saône et de la Seine, l’entrée de la péninsule Ibérique par les défilés qui longent la concavité de la mer des Basques. D’ailleurs, les mêmes avantages qui assuraient la prééminence à certaines voies pour le lent mouvement des échanges pendant les âges préhistoriques devaient leur donner aussi le premier rang au temps de l’histoire écrite, et c’est le long de leur parcours que se sont fondées les grandes cités ou que se sont déroulés les événements considérables dans la vie des nations.

De même qu’il y eut des francs voyageurs, libres de trafiquer entre les peuples en lutte, de même il devait y avoir des lieux francs aux abords desquels toutes hostilités restaient interdites par commun accord. La raison intime de ce choix n’était autre que la nécessité.