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l’homme et la terre. — peuplés attardés

tiellement privilégiée, celle des Aryens, qui depuis ont civilisé le monde[1].

L’étude des anciens ivoires permet aussi de constater quels étaient le gibier du primitif et ses associés parmi tous les animaux que sculpta ou grava le silex des artistes. Ainsi l’on apprend qu’à l’époque de Solutré, encore pendant la période paléolithique, ou de la pierre non polie, le cheval était domestiqué, du moins comme animal de boucherie, puisqu’on le représente avec son licou, d’abord en sculpture, par bas-relief, puis en traits gravés.

Plus tard, à l’époque tarandienne, lorsque le climat fut devenu plus humide et que la durée des neiges eut fait abandonner le cheval, on domestiqua le renne. Enfin, quand les pluies succédèrent aux neiges, les aborigènes apprirent à dresser une espèce de bœuf, revêtu d’une couverture ou ceint d’une large sangle[2].

A côté de la peinture proprement dite, qui représentait des personnages et des objets de la nature environnante, les primitifs pratiquaient aussi la simple décoration au moyen de figures diverses, de couleurs en teintes plates, de lignes droites ou courbes, simples ou entrecroisées. A cet égard, on constate chez les tribus un développement artistique plus ou moins grand, suivant le nombre des formes d’ornement qu’elles ont su découvrir. Ainsi, les Australiens primitifs ne s’étaient pas élevés jusqu’à la connaissance de la spire ou de la grecque[3]. Les nègres non influencés par les musulmans ignorent aussi les spires et les volutes, tandis que les Polynésiens et les Américains, même ceux qui, par la civilisation générale, sont très inférieurs aux Africains, possèdent un art d’ornement d’une évolution très avancée. Les sauvages de la Guyane et de l’Amazone connaissent la spire et la grecque, se plaisent aux figures polygonales, savent enchevêtrer les formes, les occulter, les inscrire les unes dans les autres, d’une manière très complexe. Au moyen de l’alternance et du double plan de symétrie, ils obtiennent des dessins qui plaisent au regard autant que l’art arabe[4].

Ainsi qu’on eût pu l’affirmer d’avance, la grande variété des formes extérieures, dans le monde des plantes, des oiseaux, des insectes,

  1. Globus, 13 April 1905.
  2. Edm. Piette, mémoire cité.
  3. Brough Smith ; — F. Regnault, Bull. de la Soc. d’Anthropologie, fév. VI, p. 536.
  4. F. Regnault, mémoire cité, p. 540.