Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
l’homme et la terre. — familles, classes, peuplades

satisfont le dieu Wak, le « Ciel », en lui abandonnant leurs enfants nés pendant les premières années du mariage, quatre ans chez les uns, huit ans chez les autres ; les nouveau-nés sont exposés dans la brousse et mangés par les bêtes. Après cette période de purification, les Boran, devenus Raba, sont tenus pour quittes envers leur dieu : un prêtre les circoncit et ils procréent des enfants, qu’ils chérissent[1].
autel érigé en l’honneur de diane

La légende d’Abraham indique une étape de l’humanité : elle symbolise l’adoucissement des mœurs qui se produisit dans l’histoire du peuple juif et fit substituer les égorgements et les holocaustes d’animaux aux sacrifices humains, mais après cette époque, combien de fois encore la frayeur du dieu amena les géniteurs à plonger le couteau dans le corps de leurs enfants ! C’est ainsi que les villes fondées par Josué écrasèrent de leurs linteaux de portes les cadavres des jeunes hommes ; de même Agamemnon, le « roi des rois », offrit aux dieux sa fille Iphigénie, et Jephté remit au bourreau la jeune enfant qui s’avançait avec ses compagnes pour l’accueillir avec des danses et des chansons. Bien plus, le « saint » roi David sacrifia son peuple pour se faire pardonner une désobéissance au dieu vengeur : « Puisque j’ai péché contre toi, prends mon peuple et tue jusqu’à ce que tu sois rassasié ».

Toutefois il n’était pas toujours nécessaire de verser le sang des siens : la guerre fournissait le moyen de désaltérer les dieux et les génies aux dépens de tribus ou de nations ennemies, et l’on vit en effet des peuples entiers disparaître pour satisfaire la vengeance des esprits acharnés. C’est ainsi que les Juifs offrirent à leur Yahveh les habi-

  1. Maud, Geogr. Journal, May, 1904, p. 568.