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l’homme et la terre. — divisions et rythme de l’histoire

les méridiens que les astronomes ont menés de pôle à pôle, un seul, celui qui était censé joindre le Groenland aux terres antarctiques en passant par l’île de Fer, paraissait se confondre à peu près avec une division géographique puisqu’il suit dans presque toute sa longueur le fossé de l’Atlantique entre l’Ancien Monde et le Nouveau. Le maintien de ce méridien eût fini par fixer la signification des mots Est, Ouest, en leur donnant pour synonymes les expressions Ancien Monde et Nouveau Monde. A un certain point de vue, la chose eût été juste, puisque l’Amérique, située à l’Occident de l’Europe, a été découverte par des navigateurs qui cinglaient vers l’ouest ; mais en étudiant l’ensemble des terres suivant leur ordonnance, on constate que la masse du double triangle américain continue exactement la courbe de l’Asie autour du grand bassin océanique : au point de vue de la genèse des terres, elle se trouve donc à l’est de l’Ancien Monde, et la ligne méridienne la plus logique se trouve être celle qui passe par le détroit de Bering, dans l’immensité du Pacifique.

Si l’on tient, comme il est convenable, à choisir une ligne de séparation normale entre l’Est et l’Ouest, non seulement à cause de ses avantages géographiques, mais surtout en raison de l’influence que ce trait de partage a déterminée dans l’histoire elle-même, il faudra chercher la zone médiane de l’Ancien Monde des deux côtés de laquelle les événements prirent le caractère le plus original et le plus distinct, vers le début du groupement des hommes en société. Une première division de ce genre, très justifiée à quelques égards, est celle qui a valu leurs noms à l’Asie et à l’Europe. Pour les Assyriens, le pays d’Assie, dont le nom s’est diversement modifié depuis, était la région éclairée par les rayons du soleil levant, et le pays d’Ereb — l’Europe — comprenait toutes les contrées s’étendant vers la pourpre du soir. Il est certain que la division géographique entre les deux continents, marquée par les ramifications orientales de la Méditerranée, correspond à une différence considérable dans le mouvement historique des contrées riveraines ; cependant les résultats généraux de l’histoire comparée nous prouvent qu’il faut chercher beaucoup plus à l’est que la côte de Syrie le méridien de partage entre les deux moitiés du monde méritant le mieux les noms conventionnels d’Est et d’Ouest, d’Orient et d’Occident.

Il semblerait assez naturel, au premier abord, de fixer cette ligne