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développement des sociétés

populations réputées ses inférieures ou même réduites en esclavage. Que l’annexion par la force soit de faible ou grande étendue, bourg, peuplade ou royaume, ce vol à main armée n’en aura pas moins des conséquences funestes pour le détenteur inique ; il ne pourra garder sa conquête qu’à force de crimes propres au conquérant : brutalité, déni de justice, violence et meurtre.

Mais il n’est pas besoin qu’une société fasse la guerre d’invasion ou s’empare d’un territoire étranger pour qu’elle soit exposée à tomber en état de déchéance morale, il suffit que dans son propre sein se produisent des scissions permanentes aboutissant à la formation de classes ennemies, de castes héréditairement hostiles. Que plusieurs partis se partagent le pouvoir ou qu’un seul le détienne, que des « aristocrates », devenus « meilleurs » par la force des armes, par un privilège de naissance ou le prestige de la fortune, se soient arrogé le droit de commander la foule, ou bien encore que des prêtres, de tous les plus avides d’autorité, poursuivent la double possession des âmes et des corps, il est certain que la guerre, sourde ou déclarée, règne entre les diverses parties de la société et qu’ainsi de puissants éléments de régression cherchent à l’emporter sur toutes les causes de progrès. Ils triomphent parfois et l’on peut alors constater un parallélisme historique entre cet événement et d’autres qui se produisirent ailleurs en des circonstances analogues. Même le phénomène peut avoir son pendant de l’autre côté du monde ; en Orient et en Occident des situations correspondantes se dénouent naturellement de la même manière, si bien qu’un historien philosophe, Ferrari, a voulu ériger en loi les ressemblances d’allures que présentent la Chine et l’Europe ; il est certain que, malgré des différences essentielles provenant dû contraste des milieux, les oscillations générales des deux civilisations sont marquées par des courbes de périodicité remarquablement similaires.

L’étude approfondie des civilisations permet de discerner différents types d’évolution caractéristiques. De même que certaines nations apparaissent subitement, pour ainsi dire, dans l’horizon de l’histoire et font d’emblée partie de la civilisation mondiale, d’autres passent de la vie à la mort par un processus qui peut être lent ou rapide, calme ou accompagné de soubresauts.

Des Potamiens, dont les découvertes récentes nous montrent l’or-