Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
l’homme et la terre. — iranie

royauté des Mèdes, celle bien autrement grandiose de Cyrus et de ses successeurs les Akhéménides ; c’est là aussi qu’après les expéditions triomphantes d’Alexandre le Macédonien se groupèrent les Parthes en une nation très vigoureuse qui tint tête aux Romains, puis là que se forma la dynastie des Sassanides, devant lesquels vint se briser complètement la fortune de Rome. Après l’invasion des Mahométans, d’autres dynasties se fondèrent sur le plateau d’Iran, et de nos jours encore, le royaume iranien, connu du nom de Perse, d’après l’une de ses provinces, a gardé ses frontières naturelles, quoique, au temps actuel où la science militaire est si puissamment servie par les forces industrielles, les anciennes conditions du relief et du climat aient singulièrement perdu de leur importance, et que ce territoire, devenu relativement petit dans l’immense tourbillonnement de l’histoire humaine, ne soit plus qu’un simple enjeu entre l’Angleterre et la Russie.

L’Iranie fut aussi l’une des contrées où se préparèrent en partie les éléments les plus précieux de notre avoir intellectuel et nos progrès futurs. Qu’on se rappelle l’influence de la Perse dans l’évolution religieuse par la religion du feu, par celle de Zardoucht ou Zoroastre, par les Manichéens, le mahométisme chiite et les Babi ; son rôle dans le mouvement lyrique de la pensée avec les Saadi, les Hafiz, les Firduzi ; sa grande activité dans les arts, encore prépondérante dans tout l’Orient, de l’Inde à la Turquie.

Les montagnes qui se profilent en arêtes parallèles le long du rebord sud-occidental de l’Iran constituent autant de murs d’enceinte difficiles à traverser, les rivières nées dans l’intérieur du labyrinthe n’échappant à leur prison que par une série de défilés étroits, de « cluses » qui se succèdent par de brusques coupures à angle droit, inaccessibles pour la plupart ; les sentiers d’escalade passent presque tous par les brèches des hautes murailles ; pour aller d’un lieu des terres élevées vers une partie de la plaine inférieure située pourtant dans un même bassin fluvial, les bergers peuvent avoir à faire jusqu’à vingt ascensions et autant de descentes ; d’ailleurs, nuls autres que les montagnards ne pourraient se hasarder en de semblables contrées, pardessus des crêtes qui dépassent en certains endroits la hauteur de 4 000 mètres. Le nom de Zagros, que l’on donne encore à ces mon-