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l’homme et la terre. — iranie

temps modernes, grâce à l’invention de communications rapides. La puissance des Iraniens, et plus tard celle des Grecs, ne dépassa point cette haute vallée du Sîr, d’où partait, à travers les montagnes, le « chemin de la Soie » pratiqué par les marchands vers la Chine lointaine. C’est près de l’endroit où s’élève actuellement la cité de Khodjend que se trouvait l’avant-poste des Persans, dont le nom Kyra fut interprété comme se rapportant au fondateur légendaire de l’empire et que les Grecs traduisirent par l’appellation de Cyropolis. Non loin de là, mais plus au nord, les Macédoniens bâtirent « Alexandria la plus lointaine » — Alexandreia ê eskhatê.

Presque immédiatement en aval de ce point, aussitôt après le confluent du fleuve et des tributaires qui arrosent Tachkent et ses environs, le désert commence : le Sîr a déjà perdu dans les canaux d’irrigation une grande partie de l’eau que lui avaient fournie les glaciers ; les rivières qui se dirigent vers lui ont tari avant d’atteindre son courant, et les sables poussés par le vent le forcent à changer fréquemment de direction, à s’appauvrir encore en laissant ça et là dans les plaines des flaques marécageuses. Au delà, le fleuve, qui serpente au nord-ouest jusqu’à la mer d’Aral, ne pourrait arroser à droite et à gauche qu’un étroit ruban de verdure, zone insuffisante pour que des populations agricoles s’y établissent en un mur vivant, impénétrable aux pillards turkmènes du steppe : c’est ainsi que la belle Lombardie asiatique a été privée de toutes relations directes avec les contrées d’outre-Caspienne et que la civilisation a dû s’y atrophier sur place par manque d’échanges intellectuels.

Le bassin de l’Oxus ou Amu-daria, situé sous un climat plus méridional et plus généreux, à cinq ou six cents kilomètres plus près de l’équateur, beaucoup plus riche en eaux vives et jouissant par les cols du Paropamisus de communications naturelles plus directes avec l’Inde et l’Iran, eut par conséquent une histoire plus active, une vie plus intense que le pays de Ferghana. Des dizaines de millions d’hommes pourraient vivre à l’aise dans ce large bassin parfaitement arrosé en toute son étendue, et, d’après les légendes aussi bien que d’après les traditions, la population fut en effet extrêmement dense en cette région. La partie la plus riche de ce territoire constituait la fameuse Bactriane, dont la cité principale — Τὰ Βἀϰρα — presque identique de nom à celui de Bakhtyari des montagnes iraniennes, indique probablement