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l’homme et la terre. — iranie

pendants, le centre du mouvement hellénique dans l’Asie centrale. Dans le Vendidâd, le nom de Bactres, Bâkhdi, « le pays des Hauts Etendards », est une expression symbolique de la royauté et de la puissance guerrière[1].

Au nord de la Bactriane, sur le versant opposé de la vallée de l’Oxus, naquirent d’autres cités importantes : telle, dans la Sogdiane, Marcanda (Samarkand), qu’entourait un mur de 13 kilomètres à l’époque d’Alexandre et qui devait être un jour la somptueuse capitale de Tamerlan. A l’ouest de la Bactriane et de la Sogdiane, la Margiane, c’est-à-dire la féconde vallée du Margos ou Murghab, et la Kharezmie, autrement dit les « Pays-Bas » que forme le delta de l’Oxus, devaient également prendre une grande importance par leurs produits et leur civilisation, grâce à leur extrême abondance d’eau. Surtout la Margiane, la « terre la plus fertile du monde », où l’un des Séleucides avait fait bâtir à sa gloire la cité d’Antioche margienne, entourée, dit-on, elle et ses jardins, d’un mur de 275 kilomètres en circonférence, acquit une valeur considérable dans l’économie de l’ancien Iran, par le fait de sa position dans l’échancrure du Paropamisus, à un endroit qui est un rendez-vous naturel pour le commerce et pour les peuples en marche. La rivière qui arrose les cultures de cette Antioche ancienne, la Merv moderne, provient d’une brèche basse des monts, et, plus à l’ouest, une autre rivière parallèle à la première perce complètement la chaîne, ouvrant ainsi comme une grande porte, où les Macédoniens ne pouvaient manquer de bâtir une Alexandrie, cité militaire qui est depuis longtemps fameuse sous le nom de Herat et que l’on désigne fréquemment comme la « clef de l’Inde ».

Et pourtant ces régions qui eurent leur période de grande prospérité sont devenues des solitudes dans presque toute leur étendue. Il est vrai, « la guerre a passé là » ; mais la contrée eût pu refleurir comme ont repris tant d’autres régions dévastées, si les contrées du haut Iaxartes, du haut Oxus, du Sogd, du Margos n’avaient été pour ainsi dire « en l’air », aventurées au milieu de nomades, ennemis héréditaires de l’agriculture, entre des montagnes, des plateaux difficiles à franchir et des solitudes désertes plus redoutables encore, puisqu’elles interrompent toute communication avec d’autres pays civilisés. Du côté

  1. Fr. Lenormant, Les Origines de l’Histoire, t. II, p. 509.