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l’homme et la terre. — palestine

à l’ouest les eaux de la mer Rouge, au sud celles d’une « manche » occidentale de l’Océan, a de très remarquables avantages comme lieu de séjour et d’éducation pour l’homme. Tout d’abord, son climat est exceptionnel : l’avantage capital est qu’il y pleut et même qu’il y tombe de fortes averses, suffisantes pour y former toute une ramure de torrents dans les parties supérieures et moyennes de la région montagneuse, mais s’évaporant en bas, dans la zone côtière dite de Tehama. Toutefois, ces pluies ne donnent pas à elles seules une part d’humidité suffisante pour la mise en culture de vastes étendues. Heureusement, sur le versant extérieur de ces monts tournés vers la mer Rouge et vers le golfe d’Aden, il se passe un phénomène analogue à celui que l’on observe sur les côtes du Pérou tournées vers le sud-ouest, notamment entre Lima et Payta. L’air, chargé des vapeurs d’eau qui s’élèvent des deux mers et que lui apportent les moussons, perd sa transparence, et d’épaisses couches de brouillard finissent par recouvrir le penchant des monts au sud et à l’ouest jusqu’au sommet des crêtes. Pendant toute la matinée, l’horizon est obscurci et l’humidité qui se dépose sur le sol est assez abondante pour baigner les feuilles et les racines des plantes, même pour tremper les vêtements des voyageurs comme une forte pluie ; pendant toute la moitié de la journée jusque vers midi, la température du Yemen ressemble à celle d’une serre chaude ; mais, dès que le soleil redescend vers l’ouest, les vapeurs se dissipent et l’astre ardent reprend tout son empire, cheminant implacable dans le ciel bleu[1].

L’humidité suffisante de l’atmosphère est un premier avantage ; la modération de la température est aussi un grand privilège de l’ « Arabie Heureuse ». Les terrasses et les pentes habitables s’élèvent en maints endroits à plus de 2 000 mètres et les pitons qui les dominent dépassent même 3 000 mètres : les populations du haut Yemen jouissent d’un climat toujours tempéré, tandis qu’en bas le sol brûle sous les pieds du voyageur. Les produits de ces terres hautes, très différents de ceux des steppes inférieurs, correspondent aussi à un autre genre dévie des habitants ; jusqu’à une certaine hauteur au-dessus de la mer s’avancent les pasteurs nomades, mais sur les pentes plus élevées résident les agriculteurs, vaquant à leurs mois-

  1. Glaser, Petermmn’s Mitteilungen, 1884.