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despotisme et association

contrées les plus diverses, partout où il s’agit d’une loyale distribution des eaux d’arrosement entre propriétaires intéressés, ne voyons-nous pas se fonder des syndicats dont les décisions sont respectées de tous, précisément parce que tout caprice personnel leur est interdit dans le prononcé de leur jugement ? Même en pays de longue tradition monarchique et de pouvoir royal absolu, comme dans les campagnes de Murcie et de Valence, le « tribunal des eaux », dont l’origine est essentiellement populaire, ne s’est-il pas maintenu par la force même des choses, par le fonctionnement continu des nécessités et des travaux de chaque jour ?

faucilles en bois a dents de silex, et autres antiques instruments aratoires trouvés en egypte par flinders petrie

La mainmise de l’autorité royale sur le service des eaux n’eut pas pour raison d’être, comme l’affirme Ranke, la « reconstitution des propriétés particulières confondues par l’inondation », mais au contraire leur accaparement à son profit. La Bible, qui reproduit très certainement des fragments d’origine égyptienne, raconte expressément comment Joseph, profitant de l’implacable famine, acquit pour le Pharaon les chevaux, les troupeaux de brebis, les bœufs et les ânes, puis toutes les terres de l’Egypte, à l’exception de celles qui appartenaient aux prêtres[1].

En présence de pareils textes, est-il permis de maintenir que la mise en culture des campagnes nilotiques n’eût pu s’accomplir sous un autre régime que celui du despotisme ? Certes, le régime du pouvoir absolu

  1. Genèse, chap. XLVII, 15-26.