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l’homme et la terre. — phénicie

Dès les origines de l’histoire, des colonies fixes, établies sur la rive scythique du Pont-Euxin, complètent le cercle de marchés qui se développe autour du grand bassin maritime et se rattache à la fois aux îles helléniques de la mer Egée et aux ports septentrionaux de l’Asie Mineure. Les deux littoraux opposés — l’empire de Mithridate, embrassant tout le pourtour oriental de la mer Noire, permit de le constater d’une manière visible et matérielle — appartenaient au même ensemble de civilisation, et les cités qui se confrontaient par-dessus les flots avaient à desservir le même commerce, celui des métaux. La ville d’Olbia, située sur le cours inférieur du Borysthène, où se voient aujourd’hui les buttes inégales des Sto-Mogil ou « Cent Tombeaux », près du confluent du Bug et du Dniepr, recevait l’ambre, l’or et l’étain que lui apportaient les Scythes des bords de la Baltique et du lointain Altaï. Ainsi les artistes de l’Asie antérieure, Sidoniens, Grecs ou autres, qui importaient du nord ces matières premières et du Sinaï le cuivre et les turquoises, travaillaient les précieux métaux, sertissaient des bijoux, fabriquaient de merveilleux bronzes d’art, tandis que sur le littoral asiatique du Pont, dans les vallées de l’Asie antérieure, les mineurs chalybes, qui, au temps des Grecs, donnèrent leur nom à l’acier, extrayaient du sol du minerai de fer et en forgeaient, pour les mêmes clients, des armes admirables.

Comparée à la partie continentale de l’Asie Mineure, c’est-à-dire à sa masse quadrangulaire, non comprises les franges helléniques, la bande très étroite du littoral syrien, qui s’étend du nord au sud, entre le golfe d’Alexandrette et le golfe de Péluse, présente une opposition des plus remarquables. En proportion de la lourde péninsule Anatolienne, le territoire de Syrie est d’une superficie beaucoup moindre, mais combien la valeur historique en fut plus considérable, grâce aux migrations de peuples qui se dirigèrent vers ces contrées, aux rencontres qui s’y produisirent par la force même des lois naturelles, aux civilisations que fit naître la disposition géographique des voies convergentes !

Pour juger des avantages primordiaux dont les Phéniciens recueillirent le bénéfice et auxquels ils durent l’extrême importance de leur œuvre dans l’histoire de l’humanité, il faut planer à une grande hauteur au-dessus de la surface des terres, s’élever en aérostat, pour ainsi