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tombeaux de la haute égypte

Si les pyramides étaient des œuvres d’origine étrangère, on comprend que la révolution architecturale se produisît chez les Pharaons thébains sous l’influence d’un sentiment d’hostilité contre des dynasties venues du dehors ; mais d’autres causes peuvent également expliquer l’abandon de cette architecture, par trop rudimentaire, des pyramides. Faire plus grand était pratiquement impossible, puisqu’il eût fallu y appliquer toutes les ressources de la nation au détriment des cultures et des industries : la nouvelle dynastie préféra adopter un autre style de monuments funéraires, et l’antique genre de constructions devint bientôt ce qu’il est encore aujourd’hui, un banal modèle de sépulture pour de vaniteux parvenus.

On a également émis l’idée que le changement de milieu fut la raison qui décida les souverains à changer la forme de leur tombeau. A Memphis et à Thèbes, la nature présente des aspects différents. Au lieu d’une simple berge rocheuse limitant le désert à l’ouest de la vallée du Nil et présentant une succession de piédestaux à de colossales constructions, de hauts escarpements ravinés se dressent au-dessus de l’étroite lisière des campagnes. Il n’y a pas de place pour l’érection de masses pyramidales, dont les arêtes se profileraient sans grandeur sur le fond gris des rochers voisins. Ce sont ces parois elles-mêmes qui par leurs pentes irrégulières remplacent les triangles géométriques des grands tombeaux du nord. En y faisant déposer leurs corps, les Pharaons de Thèbes pouvaient espérer les cacher plus sûrement : aucun ornement n’en signalait l’existence, et les ouvertures en étaient masquées prudemment par des amas de pierres ressemblant à des éboulis. On comprend ces précautions. Le respect de la mort n’était pas si puissant en Égypte qu’il pût empêcher les misérables et les faméliques de jeter des regards d’envie vers les tombeaux des rois, où ils savaient que de grands trésors étaient ensevelis à côté des momies vénérées ; ils connaissaient l’existence de ces « salles d’or » où les prêtres et les courtisans avaient déposé tout ce qui avait appartenu au roi pendant sa vie : ses armes, ses vêtements, ses meubles, ses bijoux, et maintes fois les pillards pénétrèrent en bandes dans ces riches hypogées. D’anciens papyrus parlent de ces vols : du temps de Strabon, quarante tombeaux de rois avaient été complètement saccagés ; le public entrait librement dans les galeries et les murs se couvraient d’inscriptions grecques et latines. C’est pour éviter la profanation