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l’homme et la terre. — égypte

inventés en vue d’attirer, de diviser la foudre, et de l’écarter ainsi du sanctuaire ?

Les monuments d’Egypte nous montrent donc un état de civilisation déjà très avancé, réalisant des œuvres qui demandaient à la fois de grandes facultés d’observation, une très habile pratique des métiers et le sentiment de l’art. De même que les habitants de la Mésopotamie et peut être grâce à eux, les Egyptiens disposaient de nombreux métaux, y compris l’or, le plus précieux de tous, mais l’argent était rare[1].

Les riverains du Nil étaient grands consommateurs de cuivre, que leur fournissait la presqu’île de Sinaï depuis une très haute antiquité — au moins sept mille ans —, et les fouilles nous ont révélé qu’aux mêmes époques, les artisans employaient encore les silex[2]. Plus tard, ils apprirent à mélanger le cuivre et l’étain en des proportions très différentes pour la fabrication des vases, des miroirs et des armes, et à changer les procédés de martelage en vue de l’emploi des instruments : c’est ainsi qu’ils réussissaient à donner aux lames de poignard une étonnante élasticité[3]. De très bonne heure aussi, avant même qu’on fit usage du bronze, la civilisation égyptienne connut le fer. L’archéologue Hill en a même trouvé un morceau pris dans les maçonneries de la principale pyramide de Giseh ; un objet en fer fut aussi recueilli par Maspero dans le tombeau du roi Unas, datant certainement de plus de soixante siècles. Enfin, le « rituel des morts » mentionne à diverses reprises des termes interprétés dans le sens de « fer » ; mais, si utile que soit depuis devenu ce métal, on se refusait alors à l’employer pour les travaux nobles. On le considérait comme une impure production du sol : d’après le mythe ancien, c’est avec un instrument de fer qu’Osiris aurait été tué par Typhon, et la rouille dont le fer se recouvre en peu de temps dans l’air humide de la plaine nilotique n’était autre chose que le sang du dieu, continuant de transsuder à travers le métal[4]. L’idée de profanation, de réprobation de la part des dieux s’attachait tellement au fer que les Egyptiens n’avaient même pas de nom pour le désigner directement : ils se servaient d’une péri-

  1. Alfred Ditte, Revue scientifique, 25 nov. 1899.
  2. Ollivier de Beauregard, En Orient, Etudes linguistiques et ethnologiques.
  3. Paul Pierret, Dictionnaire d’Archéologie égyptienne, article Bronze.
  4. Fr. Lenormant, Les premières Civilisations.