Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
l’homme et la terre. — libye, éthiopie

fondés sur la réalité des choses ou contraires à elle, affirmèrent que les « irréprochables Ethiopiens » avaient été certainement les premiers éducateurs des peuples d’Egypte. Il se peut que cette idée des écrivains antiques ait été partiellement vraie, mais il est possible aussi qu’elle soit fausse. Si des gens venus du midi ont contribué pour une très forte part à la culture intellectuelle et morale du monde égyptien, ce n’est pas du haut fleuve, ni des régions marécageuses, ni des sables riverains du Nil qu’étaient descendus ces hérauts du progrès ; c’est du sud-est. Les Hymiarites et les « Ethiopiens » proprement dits, qui apportaient des aromates et d’autres denrées précieuses des bords de l’Océan Indien, avaient, en quittant les rivages du sud, cheminé par les pays qu’occupent aujourd’hui les nomades Bichârin et Ababdeh et que limitent d’un côté la mer Rouge, de l’autre la vallée du Nil, ou bien ils avaient habité les hautes terres que peuplent les Abyssins actuels et qui font face aux montagnes de l’Arabie « Heureuse ».

Pendant les temps historiques, ces premières voies des civilisateurs venus du sud n’étaient plus suivies et, même, un certain mouvement se produisait dans une direction opposée, puisque les inscriptions des monuments égyptiens nous parlent des expéditions de commerce et de découverte qui étaient entreprises par des généraux et des marchands dans la direction de ces terres éloignées. De même, dans la vallée du Nil, la marche de la culture s’opérait en sens inverse du courant fluvial : elle remontait de l’aval vers l’amont. Du collet des embouchures où les routes latérales et convergentes venaient rejoindre la route majeure de la vallée où s’éleva Memphis, la « Demeure de « Phtah », le centre de la culture égyptienne se reporta graduellement vers Thèbes et vers les cataractes.

La domination des Pharaons d’Egypte s’arrêtait d’ordinaire à une faible distance au delà des cataractes dites « premières » à cause de leur voisinage avec la basse vallée, mais il arriva que des rois puissants firent pénétrer leurs soldats par delà les déserts, jusqu’à la « péninsule » aux terres fertiles, entre le Nil et l’Atbâra. Les premières traces de conquête égyptienne dans ce territoire de Méroé datent d’environ cinq mille années, puisque parmi les débris épars au milieu des ruinés on a trouvé des quartiers de pierre portant le cartouche du roi Usertesen Ier de la douzième dynastie. Quatorze