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l’homme et la terre. — phénicie

presque sans fin aux marins débutants. A l’ouest, ils atteignaient l’Atlantique, se dirigeaient soit du côté des tempêtes, des brumes et des glaces, vers les îles Cassitérides, la lointaine Thulé et les côtes de l’Ambre, soit du côté du soleil et des vents réguliers pour doubler le promontoire Soloeis et visiter les îles Fortunées. Au sud, ils allaient par le détroit de Bab-el-Mandeb, « Porte de l’Angoisse », et naviguaient vers « Ophir », la contrée mystérieuse, pointe méridionale de l’Afrique ou littoral des mers de l’Inde, où soufflent alternativement les vents alizés et les moussons, et jusqu’en Malaisie.

C’est aussi dans la direction même de la côte syrienne que la percée du haut Euphrate forme une coupure à la racine de la presqu’île Anatolienne pour ne s’arrêter qu’à une faible distancé de la mer Noire ; et cette route, sans être directement utilisée par de grandes expéditions de commerce, n’en servait pas moins à un trafic d’importance sur toute la série des marchés qui se suivaient le long de la « ligne de vie ». Enfin, il faut constater que les villes considérables du littoral syrien et de l’arrière-pays rapproché étaient situées à moitié chemin de deux autres voies historiques des plus fréquentées et dépassant même à cette époque les chemins maritimes comme artères de communication. Ces deux voies étaient, d’une part, la vallée du Nil, s’avançant vers le sud jusque dans les régions alors inconnues de l’Afrique intérieure ; d’autre part, les deux courants jumeaux du Tigre et de l’Euphrate, avec leurs affluents de l’est prolongeant au loin dans les terres l’avant-mer du golfe Persique. La côte de Syrie, elle-même disposée en une longe bande comme les deux vallées fluviales dont elle était l’intermédiaire, avait pour axe naturel une troisième route utilisée à toutes les époques, celle que forme la vallée de l’Orontes, parallèle au littoral, et sa continuation méridionale, la vallée du Leontes, puis celle du Jourdain, fertile et vivante dans la haute moitié de son cours. Il est vrai que la partie basse de ce sillon, de la mer Morte au golfe d’Akabah, se trouvait inutilisée par le manque d’eaux courantes.

Tous ces grands avantages d’ordre mondial que présentent le parcours et le croisement des chemins des peuples devaient donc se manifester à tous les endroits de la côte syrienne offrant des points de mise en œuvre comme lieux d’escale, d’expédition, de pêche, de culture ou d’industrie : chaque bourg, chaque village jouissant d’une heu-