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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

a trouvées des deux côtés de la mer Rouge. Le sens précis de cette dénomination « Collecteurs de Plantes[1] » s’applique évidemment au commerce traditionnel des gommes et des racines aromatiques. Il est pourtant juste de dire qu’une autre étymologie a été proposée : Abyssin serait une corruption du mot « Habech », ramassis, que les Arabes donnèrent jadis par dérision aux habitants du haut plateau, réunis en un État dont la religion différait de la leur.

Le mot « Ethiopien » s’expliquerait aussi par une occupation habituelle : il faudrait y voir le mot Atiobian, « marchand d’encens », vocable que les Hellènes ont pu facilement transformer en Αἰθιοπες ; pour lui donner dans leur propre langue un sens défini. Ces peuples du Midi devinrent pour eux les « Gens Brûlés du Soleil », les « Bruns » ; il serait assez étrange, en effet, que, parmi tant de peuples noirs de l’Afrique, les Ethiopiens eussent été seuls désignés par cette appellation, si le fait ne s’expliquait par l’existence antérieure d’un nom local, à sens différent, mais ayant pour les Grecs à peu près la même résonance[2].

Une substitution de même ordre s’est produite pour un autre terme appliqué par les Grecs aux populations du haut plateau. A. H. Sayce, déchiffrant des hiéroglyphes égyptiens, a découvert que les indigènes d’un certain district du sud-est portaient le nom de Trogodytes. C’est le mot qui dans la bouche des Hellènes devint Troglodytes, « habitants de cavernes », et de fait, les demeures souterraines ne sont point rares dans les monts éthiopiens.

Les relations de l’Hymiarie et de l’Abyssinie sont rappelées par de nombreuses inscriptions : l’une d’elles, déchiffrée par Antoine d’Abbadie, célébrerait la gloire du « valeureux Halen, roi d’Aksum et de Hamer », ce dernier nom désignant évidemment le pays des Hymiarites : l’Arabie sud-occidentale et l’Ethiopie auraient donc constitué un même empire pendant un certain temps[3]. On se rappelle, en outre, que par les monts du Yemen, étape nécessaire entre la Babylonie et l’Afrique orientale, l’Ethiopie fut en relation avec le monde chaldéen.

Il est remarquable que le « tableau des nations » classe les Sabéens dans le même groupe ethnique que les habitants de l’Afrique connus des rédacteurs de la Genèse : celui des enfants de Cham. Alors que tout

  1. Ed. Glaser, Die Abessinier in Arabien und Afrika.
  2. The Geographical Journal, april, 1896, p. 421.
  3. Académie des Inscriptions, séance du 19 janv. 1877.