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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

des monts africains. De la Palestine à l’Ethiopie se succédaient du nord au sud un grand nombre de républiques israélites, unies par un sentiment religieux qui leur avait donné une sorte de patriotisme commun ainsi qu’une très étroite solidarité d’intérêts. Cependant les Felacha n’ont pas reçu de la destinée la même éducation que la plupart des autres Juifs : ils ne semblent pas avoir voyagé à travers le monde en fugitifs et en persécutés, puisqu’ils ne sont pas devenus commerçants et changeurs de monnaie. Ce fait même donne une grande probabilité à l’origine indigène des Felacha : ce sont des Abyssins convertis au judaïsme. Artisans pour la plupart, forgerons, maçons, charpentiers, potiers, tisseurs, ils aiment aussi à s’occuper d’agriculture ou de l’élève du bétail, mais ils réprouvent la profession de marchand, la disant en opposition avec la loi de Moïse[1].

Quoi qu’il en soit de la tradition juive, il est certain que la grande majorité des populations abyssines suivit la religion prédominante en son voisinage avant de se convertir à un christianisme superficiel. L’adoration des astres sous l’ascendant arabe fut modifiée par les influences égyptienne, grecque et romaine. Parmi la cinquantaine d’obélisques des environs d’Adua, les plus simples sont identiques aux bétyles des côtes de Phénicie[2], d’autres rappellent les « pierres debout » des bords du Nil, enfin le grand obélisque monolithe de 25 mètres qui se dresse dans le vallon d’Aksum n’a rien de la sobriété nilotique et se distingue, au contraire, par de nombreux ornements en relief, figurant dans l’ensemble une tour à neuf étages percés de fenêtres.

Eh dehors des relations de commerce et de culture que l’Ethiopie eut avec l’Arabie Heureuse d’une part et de l’autre avec l’Egypte, l’histoire ne nous révèle rien de ses rapports avec les contrées de l’Ouest et du Sud. De même pour tout le reste de l’immense Libye, le continent qui a pris en ces temps modernes le nom d’Afrique désignant tout d’abord un petit district tunisien. Les auteurs anciens ne nous donnent sur ces régions que des récits d’imagination pure ou des affirmations non appuyées de preuves. Ce n’est donc pas à l’aide de documents écrits qu’il faut chercher à connaître dans leur passé les populations africaines,

  1. Henri A. Stern, Wanderings among the Falashas in Ahyssinia.
  2. Th. Bent, The ancient Trade Routes across Ethiopia.