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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

de la pierre[1]. De plus, l’absence d’outils de bronze fait supposer que la plupart des peuples libyens ont passé, presque sans transition, de l’usage des os et du bois à celui du fer, dont le mode d’obtention a été découvert en plus d’un endroit par les indigènes eux-mêmes. Plusieurs observateurs ont cru remarquer dans l’Uganda, sur les rives du Niger et jusque sur la côte d’Ivoire, des analogies entre les sculptures et décorations locales et celles de l’ancienne Égypte.

D’ailleurs, nous pouvons dire en toute certitude que l’état social et politique de la Libye, il y a trois mille ans, devait être beaucoup plus rapproché de ce qu’il est aujourd’hui dans la même contrée que ne l’est l’ancienne situation de l’Europe et de l’Asie comparée à leur état actuel.

La forme lourde, à peine organisée du continent laissait les populations soumises aux conditions locales : les influences de tribu à tribu, de peuple à peuple ne suffisaient pas pour amener le développement continu, régulier, conscient, d’une civilisation commune ; les changements moraux, sociaux, politiques, s’accomplissaient avec une grande lenteur. La réaction de la volonté humaine sur le milieu restait insuffisante. Certainement la vie des Akka dans leurs forêts, celle des bergers Somal sur leurs rochers arides ou des Nuêr sur leurs îles d’herbes flottantes ne peuvent guère s’être modifiées pendant le courant des siècles. L’existence de vastes régions favorables à la culture sur la zone littorale du golfe de Guinée et sur une part considérable du Soudan, même de la zone équatoriale, dut faciliter à cette époque, comme elle le fit depuis pendant toute la période historique, la formation de grands empires avec des capitales populeuses et des centres d’échange très actifs[2].

Si les écrits ne nous apprennent rien sur l’histoire des populations libyennes, du moins quelques monuments de pierre témoignent de communications anciennes entre les peuples de l’Asie antérieure et des habitants de l’Afrique autres que les Egyptiens et les Ethiopiens. Au sud ouest des bouches du Zambèze, les contrées de l’intérieur sont parsemées de ruines qui, à l’époque des premières explorations portugaises, représentaient encore en maints endroits les restes de véritables

  1. J. Deniker, Les Races et les Peuples de la terre, p. 492.
  2. Léo Frobenius Geographische Kulturkunde, p. 9.