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l’homme et la terre. — grèce

des Pharaons avait enfermé le peuple égyptien dans la fosse nilolique.

Les éléments ethniques qui ont constitué le peuple grec sont sans aucun doute venus de deux côtés parfaitement contrastés, le Nord et l’Est, ici par les voies de la mer, là par les chemins de la montagne. Un courant d’immigration descendit des hautes régions froides du Pinde et des monts balkaniques, l’autre provint des rivages plus tempérés de l’Asie Mineure, de la Syrie ou des îles.

Les gens du Nord, accoutumés à un âpre climat de froidure, de vent et de neige, étaient des cultivateurs besogneux qui n’avaient pas le loisir nécessaire pour s’instruire dans les arts et les sciences ; à demi barbares, ils ne pouvaient échapper à leurs hautes vallées sans conquérir violemment leur chemin à travers des tribus ennemies ; ils se faisaient pillards et guerriers. Refoulés vers le Sud par d’autres émigrants qui venaient de la vallée du Danube, ou de plus loin encore, des plaines de la Sarmatie, ils repoussaient d’autres peuplades devant eux : une trace de sang les suivait, un même ondoiement rouge sur la route qu’ils avaient à se frayer. Pendant leur dur voyage d’émigration qui, d’étape en étape, pouvait durer des années ou des siècles, ils prenaient des mœurs de plus en plus farouches, et, arrivant enfin dans les péninsules rétrécies que limite la mer du Sud, ils se présentaient en conquérants sans pitié.

Les Orientaux, que la vague souple avait amenés dans leurs esquifs rapides, furent aussi en grande partie des pirates et des hommes de guerre, mais ils comprenaient également des essaims de colons venus de pays dont la culture intellectuelle était assez avancée, et qui, s’établissant sur les cotes de la Grèce, apportèrent avec eux leurs industries et leur civilisation supérieure. On peut dire d’une manière générale que l’immigration venue des contrées montagneuses du Nord a surtout fourni la matière humaine, les hommes à l’état brut, et que les navigateurs de l’Est ont fourni les idées, les conceptions nouvelles, les éléments de transformation intellectuelle et morale.

Quoi qu’il en soit, la position même de la Grèce, au point de convergence de tant de voies historiques continentales et maritimes, ne permet pas de croire à une pureté d’origine ethnique pour les populations hellènes. Les historiens sont fréquemment les dupes de vanités nationales. Toutes les aristocraties prétendent naturellement à la descendance de dieux ou de héros sans tache ; toutes les cités, ambitionnant