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l’homme et la terre. — grèce

tel qu’il avait existé pendant la période spécialement agricole de l’histoire grecque, mais d’un asservissement qui ne tient aucun compte des intérêts de l’individu et qui le subordonne entièrement aux convenances du patron. C’est par achat que les fabricants recrutent les hommes dont ils ont besoin et de grands marchés d’esclaves s’établissent aux lieux bien situés pour le commerce. L’île de Chios, disent les anciens, est la première communauté hellène qui se donna pour spécialité le trafic des hommes, et les villes qui en reçurent le plus, Corinthe, Athènes, Egine, Syracuse, furent également les grands centres industriels de l’époque. En vain quelques citoyens, tel Périandre à Corinthe, essayèrent de s’opposer à l’importation des esclaves : contre eux, la ligue des intérêts industriels fut trop puissante[1].

Bientôt, la lutte recommence entre Sparte et l’Allique, puis la peste, apportée par les navires de l’Egypte, décime les populations de la Grèce du nord. Les « métabolies », ou transformations, qui se succèdent dans l’histoire intérieure d’Athènes[2], guerres, révolutions et contre-révolutions, expéditions désastreuses, tyrannies et révoltes, exécutions et massacres, continuent de dévaster les territoires des cités grecques, jusque dans l’Asie Mineure et en Sicile, tandis qu’au Nord grandit la monarchie de Macédoine, se préparant sournoisement à la conquête des républiques affaiblies. Pourtant, de très nobles tentatives se faisaient dans l’intervalle en vue de la réconciliation finale des Hellènes par le maintien et même le rétablissement de toutes les républiques, petites et grandes, unies désormais en une vaste fédération. Ce fut la gloire des Béotiens, plus tard venus que les Athéniens et les Spartiates au plein épanouissement de leur génie, d’avoir tenté cette œuvre de justice à laquelle s’attache le nom d’Epaminondas. Par le respect de tous les peuples représentant le panhellénisme et par leurs campagnes heureuses dans le cœur du Péloponèse, ils restituèrent l’autonomie des Arcacliens et des Messéniens, si longtemps asservis. Mais la Grèce, appauvrie par tant de guerres, intestines, n’était plus de force à repousser une nouvelle invasion des peuples du Nord.

Un siècle et demi après les guerres médiques, Philippe de Macédoine, que les Athéniens tenaient presque en mépris comme un roi barbare, mais qui était l’égal des Hellènes par l’intelligence, leur supérieur par

  1. Ed. Meyer, Die Sklaverei im Altertum.
  2. Aristote, La République Athénienne, édit. Th. Reinach, chap. XVI, § 41.