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l’homme et la terre. — grèce

Hellènes à l’aider en un retour offensif de l’Europe contre l’Asie. Mais ils répondirent à son appel de si mauvais gré, préférant être citoyens libres que soldats d’un conquérant, qu’Alexandre eut à recommencer la guerre : la destruction de Thèbes, le massacre et la mise à l’encan de ses défenseurs, tel fut son cadeau de joyeux avènement.

Les campagnes d’Alexandre dans l’immense empire des Perses, qui comprenait alors presque tout le monde connu, tiennent du prodige et seraient inexplicables si la multitude des nations qui obéissaient au « Grand Roi » avait constitué un véritable ensemble ; mais l’immense domaine subjugué par les rois de Perse était habité par les peuples les plus distincts de langages, de traditions, de mœurs et d’intérêts, tous trop faibles, trop avilis par la servitude pour revendiquer leur liberté propre, trop indifférents à la destinée de leur maître présent pour le défendre contre un étranger. Ainsi, les Macédoniens purent entrer facilement sur le territoire de l’empire, n’ayant à rencontrer que des armées, mais sans se heurter à des peuples. Les Perses avaient l’avantage du nombre, et les soldats d’Alexandre la grande supériorité des méthodes militaires ; bien que grécisés, on ne peut pourtant dire que les vainqueurs représentassent l’hellénisme, car c’est par la crainte et la force que les Grecs, réunis à Corinthe, avaient déclaré la guerre à la Perse et choisi le roi de Macédoine pour leur généralissime. Même Alexandre rencontra devant lui, à la bataille du Granique, plus de Grecs parmi ses adversaires qu’il n’avait amené d’alliés : des milliers d’hommes parlant la langue des soldats de Marathon servaient dans l’armée asiatique, non comme mercenaires mais par esprit de vengeance contre l’oppresseur de leur patrie.

De son côté, Alexandre ne se trouvait point satisfait d’être le premier des Grecs. Conscient malgré tout d’appartenir encore à demi au monde des barbares, poussé en outre par la vanité naturelle aux parvenus, il se glorifia, ivre de jactance, d’être le successeur des Akhemenides et, se mettant à leur place, devint à son tour le « Roi des rois », fit suivre son nom de tous les titres dont s’était enorgueilli Darius, prit les mêmes résidences, Babylone et Suse, pour ses capitales, et voulut faire la conquête des contrées qui avaient obéi au roi des Mèdes et des Perses : il lui fallut la Phénicie, l’Egypte et les oasis, l’Iranie, la Bactriane et la Sogdiane, l’Arachosie, la Gédrosie et l’Inde. Mais, dans