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l’homme et la terre. — grèce

dans ses grandes lignes. L’ouverture de l’Egypte aux marins hellènes ne put avoir sur les progrès de l’architecture de la Grèce et des îles que des effets très indirects et très généraux, par l’étonnement que produisit la vue des énormes édifices riverains du Nil et par l’esprit d’émulation qu’il fit naître chez les artistes grecs[1]. Le temple dorique n’est autre chose que la « maison royale » des temps homériques, entourée d’une colonnade pour en accroître la majesté divine. Ce mode architectural n’emprunta rien aux pratiques de l’étranger : il est bien le fils aîné du génie de la Grèce.

Quant à l’art ionique, né dans la Grèce de l’Asie, son nom est bien justifié au point de vue de l’histoire, puisque ce furent des Ioniens d’Asie qui grécisèrent les formes locales de la construction. Eoliens et surtout Ioniens du littoral s’étaient rencontrés avec Phéniciens et Cypriotes ; par la Cappadoce et autres pays de l’intérieur, ils s’étaient même trouvés en rapports avec l’Assyrie et la Perse. Parmi les formes architecturales qui appartenaient déjà au monde de l’Asie Antérieure bien avant la naissance du mode ionique, la volute était un ornement très répandu, que les bâtisseurs ioniens empruntèrent certainement à leurs prédécesseurs en civilisation. De même, la colonne ionique ressemble à celle de l’Asie par sa plus grande légèreté relativement à la colonne dorique : bien que les palais connus de la Perse soient très postérieurs aux plus anciens monuments de l’Ionie, on a des raisons de penser que leurs colonnes, si élancées en comparaison de celles de tous les ordres grecs, continuent les traditions iraniennes et reproduisent les formes d’une architecture antérieure, comme celle du Mazanderan, où des troncs d’arbres, et non de lourds piliers de pierre, supportaient les toitures. A ces influences de la construction des Perses, la colonne ionique doit sa forme élégante de même que le profil de sa base et les cannelures nombreuses de son pourtour ; mais ce fut des Athéniens triomphants après les guerres médiques qu’elle reçut son caractère universel : il en fut de même pour l’ordre dorique, jadis réservé aux édicules élevés par des gens du Péloponèse à Thèbes et autres lieux de pèlerinage. Quand, à Athènes devenue la vraie métropole de tous les Grecs, affluèrent tant de savants architectes venus de toutes les parties

  1. Même ouvrage, t. VII, pp. 654 à 667.