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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

L’Italie méridionale, si facile à atteindre en partant du golfe de Corinthe — la traversée de la mer libre, de Corcyre au cap Japygion, n’était pas plus longue que celle qui d’Eubée menait à Chios, Lesbos ou Lemnos —, l’Italie méridionale, aux larges territoires fertiles, avait donc droit, par le caractère de ses habitants et par la nature de ses campagnes, à l’appellation de « Grande Grèce » sous laquelle elle fut longtemps connue. Son entremise, aussi bien que les enseignements ultérieurs des philosophes et des émigrants, permit à la pensée grecque de s’infiltrer dans le monde romain et de l’imprégner fortement. Les invasions doriennes, refoulant devant elles de nombreuses tribus helléniques, furent l’une des causes principales du peuplement de la Grande Grèce. Mais l’amour des aventures et les mille événements provenant de la vie inquiète et changeante des cités helléniques, surtout les continuels conflits entre l’aristocratie et le peuple, déterminèrent aussi de nombreuses migrations, et toutes les races grecques se trouvèrent représentées dans la nouvelle Grèce de l’Occident. L’art sous ses diverses formes s’y développa comme dans l’ancienne Grèce, et, parmi les rares monuments d’Italie qui nous restent encore de l’architecture hellénique, le temple dorique de Pœstum, l’antique Posidonia, est l’un des types qui ont le plus servi à fixer les idées des savants sur les constructions des anciens. Les lettres, les sciences y eurent autant d’éclat que dans la Grèce en dehors d’Athènes : des hommes tels que Pythagore, Empédocle, les Eléates Parménide et Zenon furent parmi ceux que venaient écouter les élèves et qui dictaient des constitutions aux cités.

Une première ville, Cumes, à laquelle les récits légendaires donnent près de trente siècles d’existence, rappelle l’autre Cumes (Cymé) de la côte anatolienne ; des aventuriers de l’Eubée aussi bien que de l’Asie paraissent avoir fondé cette colonie, que sa longue durée, la haute culture de ses habitants et le mystère des volcans, des solfatares, des sources brûlantes finirent par, rendre sainte. Pouzzoles et Naples continuèrent cette mère grecque, et là naquit la Sibylle qui prophétisa la destinée de Rome.

On comprend que la mer dans laquelle baignent les langues de terre de l’Italie méridionale porte encore le nom d’ « Ionienne », car les villes dont les ruines se succèdent sur ses bords, Locres, Crotone, Sybaris, Metaponte, Tarente, y conservèrent pendant des siècles la