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l’homme et la terre. — phénicie

et de lente assimilation. Les éléments ethniques descendus du Liban participèrent aussi à la fondation de la puissance phénicienne, ainsi que nous le montre l’origine de Byblos, décelée par son nom assyrien « ville des Montagnards ». Peut-être ces « Crétois » ou Philistins qui, lors de l’établissement des Hébreux dans le pays de Canaan, s’étaient massés sur le bord de la mer à l’ouest de Jérusalem, avaient-ils été les premiers occupants de la côte de Syrie ; d’autres inférences les font pourtant venir d’Egypte à une époque relativement récente[1].

Les points du littoral phénicien étaient nombreux où les marins et les gens du négoce pouvaient trouver les mêmes avantages à la fois pour le milieu local et pour les relations lointaines. De distance en distance, l’étroite bande de terres cultivables s’élargit au confluent des vallées fertiles, que dominent des terrasses boisées ; des sources jaillissent à la base des monts, et les ruisseaux se divisent en rigoles aménagées par les riverains pour l’irrigation de leurs jardins ; des baies en demi-cercle offrent leurs plages aux embarcations, et en quelques endroits les ruines d’un ancien littoral effondré forment un brise-lame d’îlots et d’écueils qui protègent les grands navires contre les vents du large.

Un certain rythme naturel d’équidistance s’établit entre ces indentations de la côte : peut-être les convenances des voyageurs, la mesure de leurs pas, de leurs coups d’aviron furent-elles pour quelque chose dans cet espacement régulier des ports choisis sur le littoral ; car, en maint parage, on eût pu hésiter entre des criques également favorables. En moyenne, ces ports sont éloignés les uns des autres d’une journée de marche ou de navigation à la rame : le piéton, le matelot qui avaient fourni la besogne journalière pouvaient se reposer à l’escale traditionnelle, près des barques ramenées au moyen de rouleaux sur le sable des plages[2].

À l’époque où l’île d’Arvad ou « du Refuge » portait une prospère cité phénicienne sur son étroite plate-forme, dont le pourtour ne dépassait pas 1 300 mètres, la nation hittite de l’intérieur lui fournissait les denrées d’exportation et lui demandait les marchandises de Cypre, de l’Egypte et de l’Asie Mineure. A sa défense naturelle, la mer et les écueils, la ville ajoutait ses multiples rangées de navires

  1. G. Maspero, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient, pp. 312, 313.
  2. Hantz Prutz, Aus Phœnizien.