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l’homme et la terre. — rome

meurtre de César, le monde romain est réellement partagé pendant quelques années entre Octave et Antoine, les deux héritiers. Octave commande à Rome et, comme dominateur de l’Occident, passe ses premières années à consolider sa puissance sur les Espagnols, les Gaulois, les Germains les plus rapprochés des frontières, les Illyriens ; il nettoie la mer des pirates et il se prépare patiemment à se débarrasser de son rival, le maître de l’Orient. Celui-ci qui réside dans Alexandrie, auprès de la divine Cléopâtre, a tout un cortège de rois autour de lui, et son pouvoir s’étend jusque par delà Babylone, dans le pays des Parthes. Enfin, treize années après la mort de César, se produit l’inévitable choc : les deux flottes, les deux armées sont en présence ; mais il semble qu’Antoine, le despote de l’Orient, eût déjà pris quelque chose du fatalisme de ses sujets, accoutumés depuis des siècles à la défaite : ayant peut-être les ressources nécessaires pour la victoire, il se laisse vaincre sans grande résistance et finalement se tue. L’empire romain, après s’être déjà scindé, se reconstruit, et, cette fois, avec assez de cohérence pour que l’union se maintienne pendant quelques siècles encore.

De quel élan la foule romaine se « rua dans la servitude » lorsque, après la bataille d’Actium, Octave devint le maître du monde, les vers de Virgile le racontent ! Les horribles proscriptions, les guerres étrangères et civiles qui avaient dévasté l’Italie et toutes les régions méditerranéennes inspiraient à tous un immense désir de paix, un besoin immodéré de repos : l’ordre à tout prix, même sous la main d’un despote, tel était l’universel désir des populations. On avait déjà vu le prosternement de tous lorsque César, sans qu’il lui convînt de prendre le titre de roi, avait daigné s’élever au-dessus des hommes et rappeler ses origines divines. « … Notre maison réunit au caractère sacré des rois, qui sont les plus puissants parmi les hommes, la sainteté révérée des dieux, qui tiennent les rois, eux-mêmes dans leur dépendance… », disait-il déjà à trente-deux ans, au début de sa carrière politique, avant que trois millions de cadavres dus à ses vingt années de guerre eussent ajouté à sa gloire[1]. Octave, lui, ne s’arrête pas en chemin. Il change de nom, désormais il est

  1. A. Lefèvre, L’Histoire ; — Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales.