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l’homme et la terre. — phénicie

vants. Ainsi se constituaient aux escales de commerce de véritables Phénicies où se parlait la langue de Sidon, où se pratiquaient ses mœurs, où l’on adorait ses dieux. Cypre et la Cilicie, où la civilisation punique exerçait un tel ascendant, avaient accueilli des communautés phéniciennes qui parvinrent sans doute à posséder une certaine autonomie. Les Solymes ou Sémites de la côte de Pamphylie, qui se fondirent peu à peu avec les Pisidiens et autres habitants de la contrée, étaient bien des Phéniciens gardant les traditions et le langage d’outre-mer. Plus à l’ouest ; les Lyciens semblent avoir été hostiles aux navigateurs : du promontoire Sacré, fermant à l’ouest le golfe d’Adalia, à la pointe de Cnide, il n’y eut sur le continent qu’un seul comptoir phénicien important, Astyra, en face de Rhodes[1] — autre terre phénicienne —. Au contraire, les Cariens de l’Asie Mineure sud-occidentale étaient très étroitement liés aux Phéniciens, avec lesquels on les confondait parfois, et souvent même ils constituèrent par leurs incursions une sorte d’empire maritime aux contours changeants qui comprenait les rives des îles et des péninsules voisines ; l’hoplite carien était à la solde du marchand phénicien. Longtemps avant les Grecs, ces commerçants avaient affronté les mystères du Pont-Euxin[2] ; bien plus, ils avaient pénétré au « cœur du Péloponèse », jusqu’en Arcadie, où ils allaient chercher des bois et du bétail, des mercenaires ou des esclaves[3].

Les hardis marins se rattachaient aussi aux Philistins proprement dits, bien qu’il y eût souvent des luttes entre eux ; les deux peuples furent appelés Crétois, Kreti Plasti, d’après l’île qui leur servait de rendez-vous pour les expéditions de guerre et le partage du butin[4]. La religion des Lydiens, peuple que le tableau ethnographique de la Genèse[5] dit être de race sémitique, ressemble tellement au culte des Phéniciens, dans les principes et dans les détails, qu’on peut les considérer comme identiques, sauf pour les noms propres usuels, et encore plusieurs de ces appellations, notamment celle d’Astarté, sont-elles, sans doute aucun, d’importation orientale. On constate, il est vrai, des mélanges ou des traces de la religion phénicienne dans toutes les parties de l’Asie Mineure, mais nulle part les ressemblances ne furent

  1. Maspero, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient.
  2. Movers, Die Phœnizier, page 297.
  3. Victor Bérard, De l’Origine des Cultes arcadiens.
  4. 4. Movers, ouvrage cité, pp. 15 à 19.
  5. Chap. X, v. 22.