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l’homme et la terre. — palestine

L’influence de la civilisation potamienne se manifeste d’une manière plus profonde encore dans la vie même et comme dans l’essence du peuple juif. Il est désormais hors de doute que les premières traditions et légendes des Hébreux sont d’origine chaldéenne. La création de l’homme, le paradis terrestre et la chute des premiers parents, la hiérarchie des anges sous le commandement des taureaux ou Chérubins sacrés, la révolte de Satan et la corruption des hommes, tous condamnés à périr dans les eaux du déluge, sont autant de traits de la religion des Chaldéens, reproduits dans les livres sacrés des Juifs avec des méprises et des contradictions, mais surtout avec les variantes qu’imposa pendant la durée des siècles le changement du milieu et de la mentalité.

Outre ces récits qui eussent pu rester étrangers à la masse de la nation, se présentent les pratiques constantes et obligatoires du culte de tous les jours, celles auxquelles personne n’échappe et qui finissent par modeler et pétrir l’homme, en lui joignant les mains d’une certaine manière, en lui fléchissant les genoux d’après un rythme traditionnel, en distribuant suivant un plan spécial les circonvolutions de son cerveau, en modulant sa voix pour le chant et la prière, en l’habituant à manipuler les objets du culte, étoffes, vases, burettes, couteaux, aspersoirs, en concordance avec des formes voulues, dont le moindre écart serait un crime. Tout cela chez les Hébreux fut de source babylonienne, de même que la structure de l’autel et de l’arche sainte.

Bien que recevant des Babyloniens leur civilisation religieuse et civile, jusqu’au nom du dieu Yahveh, les Hébreux, qui devinrent de si fervents observateurs du sabbat à l’exemple de leurs éducateurs de Chaldée, ne leur empruntèrent pourtant pas la division du jour en vingt-quatre heures. Jusqu’à l’époque gréco-romaine, ils le partagèrent, à la manière des Arabes, en moments caractéristiques, aube, midi, crépuscule, soir, nuit ; le mot « heure » n’existe pas dans l’ancien hébreu. A cet égard, les Juifs restèrent de simples Bédouins[1].

La filiation de race, ou du moins la parenté, se montre également dans la tradition transmise par la Genèse. Ainsi le personnage

  1. Boeckh, etc. — Ernest Renan, Histoire du Peuple d’Israël, p. 39.