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l’homme et la terre. — palestine

encaissé ; à l’ouest, la route des caravanes et des armées ramenait, chaque année pour ainsi dire, le danger d’une invasion lente ou brutale. La ligne des communications entre les Philistins et l’oasis de Damas, entre l’Eypte et la Ghaldée, entre l’Afrique et l’Asie devait, coûte que coûte, traverser le territoire des Joséphites, et les Israélites n’étaient point de taille à renouveler l’effort des Hittites et à rester maîtres des barrières.

Le principal lieu de passage naturel pour les migrateurs et les conquérants fut de tout temps la dépression de terres basses qui s’étend au nord des montagnes de Carmel, entre la baie d’Akka et le lac de Tibériade : cette plaine dite de Megiddo (Mageddo) ou d’Esdraelon et dans laquelle coulent les eaux de la rivière Kison — le Nahr-el-Mukotta de nos jours — sépare nettement les montagnes de la Palestine méridionale et celles de la Galilée, formant ainsi, au nord et au sud, une zone de partage ethnologique et politique qui garda sa valeur pendant les cours des âges : les royaumes et les confédérations, qui modifièrent incessamment leurs contours suivant les guerres et les alliances, respectèrent ordinairement cette limite, et l’on sait combien les Juifs du midi, ayant toujours du sang de nomades et de pillards dans les veines, tenaient en médiocre estime les simples agriculteurs de la Galilée, pays duquel « ne pouvait venir rien de bon ». Mais si la plaine d’Esdraelon établit une ligne de démarcation très nette entre les pays montueux du nord et du sud de la Palestine, elle unit largement la vallée du Jourdain et le littoral de la Méditerranée. Aussi de tout temps, les armées s’entre-choquèrent sur ce chemin de rencontre, les unes venues d’outre-Jourdain et les autres ayant suivi la voie de la côte. Les commentateurs de l’Apocalypse placent, dans cette même plaine de Megiddo, Armagheddon, le champ de bataille futur où les Juifs convertis, retournant dans leur patrie, extermineront les armées des Gentils. Cette prédiction n’est en réalité qu’un souvenir des luttes qui se sont succédé dans cette plaine sanglante, aux pieds des monts Carmel, Tabor et Gilboah.

Si heureusement placé pour les facilités de la défense, le pays de Juda ne pouvait devenir formidable à ses voisins comme royaume conquérant : il était de trop faibles dimensions ; avec ses dépendances naturelles, il ne couvre qu’une superficie de 4 à 5 000 kilomètres carrés, pas même les dimensions moyennes d’un département fran-