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journal de la commune

vient d’occuper le fort d’Issy, après huit jours d’attaque seulement ».

Avant d’aller plus loin, M. Thiers nous permettra une petite rectification. Le fort d’Issy n’a pas été occupé après huit, mais après trente-cinq jours d’attaque. Il a été canonné depuis le 4 avril par les Versaillais, il l’avait été trois mois par les Prussiens. Les huit jours d’attaque, M. Thiers ne les fait partir sans doute que du moment où son noble lieutenant Leperche donna à la garnison un quart d’heure, quinze minutes et pas davantage, pour vider le fort, sous peine d’être passée au fil de l’épée.

MM. Thiers et Rossel avaient annoncé tous deux, l’un à la France, l’autre à Paris que le drapeau tricolore flottait sur Issy, quand quelques gardes nationaux se glissèrent à leur tour dans le fort et replantèrent à nouveau le drapeau rouge sur cette motte déserte. Les longues vues braquées n’y comprenaient plus rien et la Commune se hâta de faire annoncer aux mairies : « Il est faux que le drapeau tricolore flotte sur Issy, les Versaillais ne l’occupent pas et ne l’occuperont pas. La Commune vient de prendre les mesures énergiques que comporte la situation. »

C’était s’engager à la légère et promettre une chose qu’on ne peut pas tenir, car le lendemain matin, 10 mai, les Versaillais, rassurés sur les torpilles, occupèrent le fort, qu’on avait, dit Rossel, parlé sottement de faire sauter, « chose plus impossible que de le défendre. » En effet, on ne fait pas sauter un champ de terre. Du reste, voici l’état des lieux tel qu’il a été dressé par Le Français, journal de Versailles.

Nous avons visité aujourd’hui le fort d’Issy. Afin d’y pénétrer, nous sommes obligés de traverser tous les ouvrages, tous les retranchements construits par nos troupes, pour avancer jusqu’au cimetière d’abord, et pour contourner ensuite le fort, dans la direction de Vanves. Rien de ce qui a été dit sur des ravages subis par le fort d’Issy n’est exagéré. Bien avant d’y arriver, et dans la zone d’action de nos batteries, le sol est littéralement labouré par les obus ; quelques-uns n’ont pas éclaté, mais à chaque pas on heurte des fragments. Dans la partie du fort qui regarde nos batteries, les murailles sont hachées par les projectiles, la terre est éboulée, ce qui contraste singulièrement avec les