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journal de la commune

quelque chose, et s’impatiente déjà, craignant que quelque proie ne soit soustraite à sa rage.

Samedi, 13 mai.

Le décret du Comité de Salut Public, ordonnant que la maison de M. Thiers soit abattue et nivelée au ras le sol, comme le décret ordonnant la démolition de la colonne Vendôme et de la grotesque bâtisse qu’on appelle la Chapelle Expiatoire, cela fournira des armes contre nous et des arguments, dont moi tout le premier, je reconnais le bien fondé. L’Assemblée indemnisera M. Thiers au double et au triple et, si le platras et les quelques moellons composant la bâtisse ont coûté cent cinquante mille francs à être rassemblés, c’est un capital de cent cinquante mille francs perdu. Il est vrai qu’on y aura gagné un square. On dira très justement : La Commune n’exerce pas en cette occasion la justice contre M. Thiers, car son arrêt n’est pas précédé d’un jugement et d’une défense. Non, la Commune n’exerce qu’une vengeance. Et encore, ne pouvant se venger sur la personne, la Commune accepte de se venger sur la maison. Cela est vrai. Cependant, je ne me courrouce pas. L’injustice faite à quelques moellons et plâtras ne me touche guère. Je préférerais que toutes les formalités fussent accomplies, mais on peut se passer de celles qui sont manifestement impossibles. Et puis, il y a des vengeances qui ressemblent singulièrement à des actes de justice. Le talion est une justice inférieure et barbare, mais c’est encore une justice, faute de mieux !

Voilà un Monsieur qui nous démolit Paris avec des obus pesant de cinquante à cent kilogrammes chacun ; chaque jour, il nous tue des centaines d’hommes, depuis des semaines ; il nous a provoqués, il nous a attaqués et aux hommes qui viennent parler conciliation, il répond dédaigneusement : qu’importent les gens tués, qu’importent les maisons trouées !… Et l’on serait scandalisé et navré parce que, pour le punir autant que faire se peut, on démolit sa maison et on emploie son linge à panser les blessés, à enterrer les morts qu’il a faits ?

Voici à ce sujet un paragraphe de l’Avenir National qui ne manque pas de verve. Il est bien entendu que, depuis