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Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/337

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journal de la commune

les a accueillis. Le lieutenant croyant à une méprise a continué de marcher en avant : un second feu de peloton leur a prouvé la triste réalité de cette violation des usages parlementaires et du droit des gens chez les peuples civilisés ; une troisième fusillade a seule pu les faire rétrograder.

« Il a dû revenir, laissant au pouvoir des Versaillais dix-neuf morts, soixante-dix blessés ».

(Salut Public, 20/5).

Sitôt le rapport lu, le citoyen Urbain s’écrie :

« Je demande soit à la Commune, soit au Comité de Salut Public, de décider que dix des otages que nous tenons en mains soient fusillés dans les 24 heures en représailles du meurtre de la cantinière et de notre parlementaire accueilli par la fusillade, au mépris du Droit des gens, je demande que cinq de ces otages soient fusillés solennellement, à l’intérieur de Paris, devant une délégation de tous les bataillons et que les cinq autres soient fusillés aux avant-postes devant les gardes témoins de l’assassinat. »

Le citoyen J. B. Clément : « J’appuie la proposition Urbain. Les nôtres, détenus à Versailles sont excessivement maltraités. On leur donne très peu de pain et d’eau. On débite des infamies sur leur compte. On les frappe à coups de crosse : il faut en finir ! »

Une discussion s’ensuit, et, fort heureusement, on renvoie à plus ample informé la résolution à prendre.

L’exemple cité par Urbain n’est pas le seul qu’on raconte et qu’on croie. Par le temps qui court, plus les choses sont horribles, plus elles rencontrent facile créance. Si M. Thiers voulait déclarer seulement que les procédés entre Versaillais et Parisiens ne doivent pas être plus hideux et plus atroces qu’ils ne l’étaient naguère entre Français et Prussiens, il ferait un pas vers la conciliation dont tous les cœurs humains lui tiendraient compte, mais non ! Tandis que le peuple ici, ahuri par l’effroyable vacarme de la canonnade et du bombardement, exaspéré par l’explosion des capsuleries et cartoucheries, entrevoit dans son imagination troublée quelques traîtres qui se glissent dans l’ombre, déterrent quelques fils électriques, font partir une allumette… Et voilà Paris tout entier,