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journal de la commune

fenêtres entre-bâillées, on leur ait tué traîtreusement beaucoup de monde.

Un homme de la ronde monte dans l’appartement que j’occupe. Il vient chercher mon ami, le maître de la maison, pour lui enjoindre de prendre poste dans la barricade qu’on a construite à côté. Mon ami exhibe qu’il a plus de 40 ans et qu’il a du reste une dispense l’exemptant de la garde nationale pour raison d’un autre service. C’est bien ! dit le fédéré, et, sans insister davantage, il s’en retourne à sa barricade.

J’étais moi-même hors de question : une blessure à la main droite m’empêche de manier mon fusil. Aucune invitation ne me fut adressée, bien que je fusse à côté dans la chambre entr’ouverte. Si l’homme m’eût dit : Vous ne pouvez combattre, mais vous pouvez vous faire tuer pour la République démocratique et sociale, je ne sais vraiment ce que j’aurais pu, ce que j’aurais dû répondre. Je crois mieux faire en vivant pour elle — c’est plus sage, plus prudent et plus utile — mais tout un tas de bonnes raisons n’empêchent que je me suis senti petit et mal à mon aise à côté de l’homme qui, sans mot dire, s’en va mourir pour celle que j’aime.

C’est encore là un incident personnel. Je sais qu’ailleurs des gardes nationaux ont de force enrôlé dans leurs rangs des bourgeois et jeunes gens qui certes ne se souciaient nullement d’une mort héroïque, mais avant de répéter ce que j’ai lu ou entendu dire, je raconte ce que j’ai vu.

La rive gauche que je croyais intenable, résiste toujours, il faut que les fédérés aient déployé une vigueur inattendue, de ce côté là. Nous sommes à mercredi, et la surprise a eu lieu dimanche.

Au dessus du nuage de fumée, au dessus des incendies, s’élève tranquille et importante la colonnade olympienne du Panthéon, toujours surmonté de sa rouge banderole, cause de tous ces dégâts et massacres.

Tout d’un coup, les fumées qui entourent le Panthéon s’épaississent et montent en noirs tourbillons… Encore un grand incendie… celui des nombreuses baraques d’ambulance dans le jardin du Luxembourg… Cela dure une heure peut-être, puis on entend une explosion formidable, une trombe nouvelle de fumée jaillit au dessus des amoncelle-