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journal de la commune

J’ai vu les landes de Gascogne, vastes et sombres, j’ai vu le désert de Lybie, sables brûlés, pierres calcinées par les feux du soleil, pas une herbe, pas un oiseau, morne solitude, paysage sinistre.

Ah ! si tout d’un coup, on pouvait transporter au cœur de Paris quelque steppe, quelque désert, quelque plaine bien nue et bien rocailleuse, comme des milliers d’hommes s’y précipiteraient, comme ils courraient à ce lieu de refuge et de consolation !

Une remarque m’a surpris : ce sont les incendies et toujours les incendies dont on accable les communeux. De l’exécution des otages, on ne parle que secondairement. La destruction de propriétés est chose bien plus émouvante que la destruction de la vie humaine.

Raoul Rigault et cinq ou six membres de la Commune, agissant de leur propre chef, ou sur un ordre de la Commune, — nul ne le sait — ont fait fusiller des otages, l’archevêque de Paris, monseigneur Darboy, l’abbé Deguerry, prêtre de la Madeleine, le sénateur Bonjean, une cinquantaine de jésuites, capucins, congréganistes. Plus l’ex-adjoint au maire de Paris, Gustave Chaudey, ce dernier n’étant point otage mais prévenu de crime.

C’est aux républicains de discuter avec les communeux s’il était juste, s’il était opportun de prendre des otages. Les Versaillais qui prenaient des otages n’ont point le droit de poser cette question. En ce moment même, nous lisons dans l’Officiel de M. Thiers : » Le comte de Geydon, gouverneur général de l’Algérie, vient de se saisir de 65 otages, pris dans les principales familles du pays ennemi ». S’il est permis aux lieutenants de M. Thiers de s’emparer de 65 otages, le même droit appartient aux ennemis de M. Thiers.

Dès l’ouverture des hostilités, M. Thiers avait jugé à propos de fusiller ses prisonniers, gardes nationaux et anciens soldats de la ligne. Pour arrêter ces exécutions, la Commune décida qu’elle prendrait des otages, et que, pour un prisonnier fusillé par les Versaillais, les Parisiens rendant le mal pour le mal, fusilleraient à leur tour trois prisonniers. La Commune a eu tort peut-être de rendre ce décret, elle a eu tort certainement de ne pas l’exécuter… Intimidés à demi par cet arrêté, les Versaillais suspendi-