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journal de la commune

Pour un gouvernement pointilleux sur la légalité, pour un gouvernement qui ne daigne pas même entrer en pourparlers avec les élus de deux cent mille électeurs, et n’hésite pas à recourir au canon et à la baïonnette parce qu’il prétend que Paris a eu le tort de se conformer à certaines formes légales plutôt qu’à d’autres, c’est traiter fort cavalièrement l’équité, non seulement la justice, mais même la loi. La loi n’a jamais permis la suppression, c’est-à-dire la disparition de l’accusé qui, dit le Code, « doit toujours être présenté à la première réquisition de la famille », afin qu’il soit constaté au besoin que le prisonnier n’a pas été assassiné dans la prison par ses ennemis.

Blanqui avait été condamné à mort par ses ennemis, Jules Favre, Simon et Trochu, pour sa participation dans la journée du 31 octobre. Il a été jugé et condamné par contumace. Procès à refaire. Depuis, il a été élu, par le peuple de Paris, membre de la Commune. Il n’a jamais siégé, on ne sait pas même s’il a accepté. Il a travaillé, il est vrai, toute sa vie pour avoir une Commune de Paris ; son rêve, son utopie, s’est trouvé tout d’un coup réalisé, plutôt par suite d’une frasque de M. Thiers que par suite de ses longs complots à lui. Les blanquistes de la Commune voudraient bien le nommer Président honoraire de la Commune, mais Delescluze et plusieurs autres ont déclaré que, dans ce cas, ils donneraient leur démission. Blanqui, le père officiel de la Commune, n’est pour rien absolument dans les agissements de sa fille, il est souverainement injuste que M. Thiers le prenne comme responsable et fasse dépendre son sort du « rétablisesment de l’ordre ».

L’illégalité engendre l’illégalité, une injustice produit une autre injustice. S’appuyant sur la séquestration de Blanqui, les blanquistes de la Commune ont exigé qu’on s’emparât d’otages et que des prisonniers versaillais garantissent le sort des prisonniers parisiens ou amis des Parisiens. Nous en revenons aux mœurs du Moyen-âge, à la justice patriarcale : otages et représailles, œil pour œil, dent pour dent, emprisonnement pour emprisonnement, meurtre pour meurtre.

Dans la nuit du 4 au 5 avril, l’abbé Deguerry, curé de la Madeleine, un des hommes les plus influents du parti catholique, l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy, et deux