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Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/90

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journal de la commune

tiré de son côté, prétendant dominer l’autre, l’État surtout s’est permis de nombreuses infidélités ; il a souvent menacé du divorce, mais au fond il ne le redoute pas moins que sa moitié. Et l’Église, qui est femme, a toujours haï tous ceux qui l’ont menacée du divorce ; or, sa haine est terrible, c’est la haine qui ne pardonne point, car elle est patiente, car elle est éternelle ; c’est une haine qui n’a ni scrupule ni remords, car elle s’exerce au nom de la souveraine justice, Ad majorem Dei gloriam : c’est une haine qui a trouvé son symbole et son expression dans la doctrine de l’Enfer, dans la menace du ver qui ne meurt point, du feu qui ne s’éteint point.

Que la Commune ne s’abuse pas. Depuis qu’elle a brisé avec l’Église, l’Église l’a vouée à la malédiction, à l’injure, à la colère, à la honte, à la ruine, à tous les désastres, à toutes les infamies. Contre la Commune, il n’y aura pas de calomnie trop perfide, de mensonge trop venimeux, de rancœur trop cruelle. En continuant l’œuvre de la première Révolution française, la Commune se condamne aux mêmes combats terribles, aux mêmes luttes affreuses, et peut-être à la même défaite et aux mêmes sanglants désespoirs. On se canonne, on se bombarde, on se fusille, on s’entr’égorge, on pourra encore se pardonner tout cela. Mais si la Commune tient encore quelque temps, et si elle exécute son décret sur la séparation de l’Église et de l’État, alors il n’est plus question de transaction ni d’amnistie, ni d’arrangement, et, selon la parole évangélique, il n’y aura pour elle de pardon, ni dans ce siècle, ni dans celui qui est à venir.

Si la Commune n’est pas de taille à vaincre, si elle ne sait pas bien ce qu’elle fait, si elle se jette dans la tempête, ignorante du danger, c’est-à-dire par présomption et non par héroïsme, elle n’est pas digne du risque, et il vaudrait mieux qu’elle s’effondrât tout de suite… Mais c’est de la prudence coupable. On ne peut prévoir le triomphe des Thiers, des Favre, des Simon sans un dégoût mortel. Après cette déplorable campagne de nos généraux Eudes, Duval, Flourens et Bergeret lui-même, il est sûr et certain que, militairement au moins, nous sommes menés par des ignares et des écervelés, peut-être sommes-nous menés de même économiquement, politiquement peut-être, nos dictateurs élus du hasard, émergeant tout à coup d’une nuit