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le pain

Tous les proverbes relatifs aux fariniers nous les représentent comme gens pratiques et sensés, gais compagnons, robustes de corps, sains d’esprit, n’engendrant pas mélancolie, sachant bien que si on en venait aux extrémités, ils seraient les derniers à mourir de faim. On devrait faire la collection complète des dictons qui concernent la meunerie. En voici quelques-uns parmi lesquels plusieurs ne sont point à l’avantage de la corporation, car on n’a pas manqué de lui reprocher les défauts de ses qualités ; on lui en aurait inventé plutôt :

« Comme il est mis sous sa meule, ainsi est-il moulu. »
« Tout ce qui se passe sous la meule passera pour farine. »
« Au moulin, premier venu, premier moulu. »
« Au moulin les grands mots n’emplissent pas ni grands ni petits boisseaux. »
« Donne, redonne, donne, redonne, roue de meule ne dit autre chose. »
« Si les sacs pouvaient parler !! »
« De gouge à veuf, ni de poule à meunier, ne te mets en peine. »
« Meunier et boulanger ne volent point puisqu’on leur apporte. »
« Meuniers, tailleurs et tisserands ne sont points pendus, le métier serait perdu.  »
« Rien de plus hardi que la chemise d’un meunier… Il n’est matin qu’elle ne prenne un voleur au collet. »

Les boulangers n’ont jamais eu comme les meuniers la réputation d’esprits forts. Jadis, ils ont pu croire que le pain étant dans le four, on peut allonger la farine et lui faire rendre davantage en la saupoudrant d’un peu de terre pendant la cuisson. Cela était prouvé par une longue expérience, était-il affirmé. Pourquoi la terre ne ferait-elle pas croître la pâte, disaient-ils, puisqu’elle fait croître le grain ? Nos modernes boulangers n’ont plus cette naïveté ; il en est auxquels les chimistes ont enseigné les savantes manipulations de l’alun.

Quand la ménagère est à pétrir, elle se met un tablier propre, afin que le pain reste bien entier et ne s’ouvre ni se fendre. Franchement on ne l’eût pas deviné.