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le pain

moyens curatifs avec les préventifs ; ce qui chasse les mauvais esprits et ce qui les empêche d’approcher.

C’est ainsi que, de propos délibéré, le point de départ une fois donné, il était logique de supposer qu’un emplâtre de pain sur l’estomac — langage familier — devait guérir les maladies moins fréquentes, du moment qu’il guérissait la plus commune. Réservoir de santé, grand restaurateur de la vie, le pain passait pour contenir des trésors de force et d’énergie, pour être la concentration des forces salutaires. Le « pain de vie » ne pouvait être que vivant lui-même, toujours sur la défensive contre un ennemi toujours sur l’offensive. Le pain était la grande panacée. La pharmacopée moderne n’use de mica panis et d’aqua fontis que pour tranquilliser les malades qui ne croiraient guérir avant d’avoir absorbé quelque drogue latine. Mais ces substances étaient réputées jadis posséder les plus mirifiques vertus et participer à la nature du nectar et de l’ambroisie, qui aux Immortels étaient aliment et remède tout à la fois. Sur ce point, l’entière doctrine magique n’est que l’amplification de ce verset du Pentateuque : « Tu serviras l’Éternel Dieu, et il bénira ton pain et tes eaux ; il ôtera les maladies du milieu de toi. »

Quand le patron, chef de famille, vient à mourir, on jette de l’orge sacrée sur le cercueil et tout autour. Et la raison ? — C’est afin que s’il regarde par une fissure, par quelque trou des planches, l’éclair de son mauvais œil soit arrêté et neutralisé par la bénigne influence de l’excellente céréale. Nous expliquerions de la sorte les problématiques poignées de farine qu’on nous disait être jetées derrière le cercueil du meunier porté à sa dernière demeure. — Êtes-vous malade ou simplement sous mauvaise influence ? Mettez à tremper dans un verre quelques brasillons ardents et quelques miettes ; buvez moitié de l’eau et versez le reste sur les gonds de la porte d’entrée.

Les eaux insalubres sont assainies quand on y jette de la mie de pain.

L’eau du puits est mauvaise pour l’accouchée, tant qu’elle n’y aura pas jeté des croûtons du pain qu’elle mange.

L’eau fraîche dans laquelle on a fait infuser neuf grains d’orge a guéri de nombreux malades. Les bonnes femmes de France apprécient fort ce remède.

Traitez avec du pain moisi les dérangements d’entrailles. Passez et repassez à travers une galette de seigle, en couronne