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I

LA CULTURE


Labourage, Semailles, Protection de la plante,
Moisson et Engrangement
[1]


Tout d’abord, il faut labourer le sol. La charrue qui, par elle-même, est un instrument sacré, voit ses vertus augmentées si on la munit d’un charbon qui a été retiré d’un « feu de Pâques » dont les merveilleuses propriétés sont connues de tous. Au moment qu’on va entreprendre les grands labours de septembre, avant que le soc ait mordu le sol, l’épouse du cultivateur partage un pain qu’elle a consacré, en quelque sorte, par des attouchements répétés à la charrue ; elle le partage équitablement, une moitié pour les bœufs, l’autre pour les chrétiens, et on le mange incontinent : c’est pour avoir le cœur à l’ouvrage. Les premières mottes sont ensuite saupoudrées de farine, puis on fait passer le corps de la charrue au-dessus d’un autre pain et d’un œuf. Pourquoi ?

C’est une manière de se rendre favorable par une première offrande les génies de la terre, et l’on fait savoir au champ ce que l’on attend de lui : de la farine et du pain en retour de celui qui lui a est présenté ; on veut du pain en abondance, on voudrait que les épis fussent tellement serrés l’un contre l’autre qu’ils ne laissassent entre eux aucun vide. Ne dit-on pas « plein comme un œuf » ? Désir extravagant, sans doute. On requiert l’impossible, c’est pour avoir le maximum, et tout au moins large mesure. On obtient toujours beaucoup moins qu’on ne demande ; il faut donc enfler ses prétentions en proportion. Il

  1. Le manuscrit trouvé dans les papiers de l’auteur commençait à la page 8. — N. D. L. R.