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les inoïts occidentaux.

d’étincelles, les fontaines de couleurs jaillissantes ; les clairons[1] et traits sanglants raient le ciel, les lances fulgurantes s’entre-choquent dans les airs, l’éther palpite, et ses pulsations sont des coruscations et des flamboiements.

Déjà le futur sorcier n’est plus un enfant. Maintes fois, il s’est senti en la présence de Sidné, la Démêter esquimaude, il l’a devinée au frisson qui lui courait dans les veines, à la chair de poule qui lui picotait la peau et hérissait les cheveux ; maintes fois, il a distingué ses soupirs douloureux et prolongés, lointains éclats, retentissant comme ces mugissements de la baleine que les Esprits entendent bien, mais auxquels l’oreille du vulgaire est toujours restée sourde. Il voit des astres inconnus aux profanes ; à Sirius, Algol et Altaïr, il demande le secret des destins, il devine ce que pensent l’Aigle, le Cygne, la Grande Ourse, qui écoutent les Inoïts, les regardent faire, mais se taisent. Car ces astres glorieux ne parlent que par des scintillements, et nul n’entend leur langage qui n’a sa lumière en lui-même. Il passe par la série des initiations ; n’ignore point que son esprit ne sera pas dégagé du fardeau de lourde matière et d’épaisse ignorance, avant que la Lune ne l’ait regardé en face et ne lui ait dardé certain rayon dans les yeux. Enfin, son propre Génie, évoqué des insondables profondeurs de l’être, lui apparaît[2], ayant franchi les immensités des cieux, remonté à travers les abîmes de l’Océan. Blanc, pâle et solennel, le fantôme dira : « –Me voici. Que veux-tu ? » S’unissant au Sosie d’outre-tombe, l’âme de l’angakok volera sur les ailes du vent ; quittant le corps à volonté, elle voguera

  1. Terme franco-canadien.
  2. Même croyance chez les Lapons, les Peaux-Rouges, les Kamtchadales Charlevoix, Journal.